Bien dans son corps, le défi d’une vie

Anciennement anorexique, hyperphagique et alcoolique, Karine Nadeau ne regrette rien de son passé, qu’elle assume.

Peu importe si sa balance affichait 85 lb ou 160 lb, Karine Nadeau était malheureuse. Pendant vingt ans, elle était convaincue que le bonheur n’était pas à sa portée. Mais elle a fini par le trouver au fond d’elle-même. Aujourd’hui maman et amoureuse, la Bromontoise n’a plus honte de qui elle est, si bien qu’après des années à cacher son corps, elle se dévoile enfin à nu, sans peur et sans gêne, sur son blogue intitulé «Le beau désordre».


Anciennement anorexique, hyperphagique et alcoolique, la Beauceronne d’origine, maintenant établie à Bromont, ne regrette rien de son passé, qu’elle assume. « J’suis pas toute guérie, mais pas loin », note celle qui a finalement réussi à aller chercher de l’aide après deux décennies à haïr sa prison de chair et à jouer au yo-yo avec son poids en raison de sa dépendance à la nourriture.

Ses déboires avec les troubles alimentaires ont débuté à l’adolescence, alors qu’elle se cherchait en tant qu’individu. « Dans ce temps-là, je regardais beaucoup de vidéoclips à la télé, se rappelle la femme de 37 ans. J’y voyais mes idoles super minces, avec un ventre plat. Je les trouvais tellement belles. J’ai fait l’association qu’être mince, c’était être belle et populaire. Et je voulais être comme ça. »

Mme Nadeau a alors entrepris de nombreux régimes, entrecoupés d’épisodes où elle s’empiffrait avant de se priver de nourriture pour se punir de ses excès. « Je ne m’aimais pas, mais de pouvoir contrôler mon poids, ça me donnait un sentiment de pouvoir sur ma vie », dit-elle.

Lors d’un voyage dans l’Ouest canadien, elle a mangé ses émotions, si bien que la balance a tapé 160 lb. « Ma mère ne m’avait même pas reconnue à l’aéroport ! » se rappelle Mme Nadeau.

Sortir d’un cercle vicieux

Il aura fallu de nombreuses années et plusieurs tours de ce « cercle vicieux » pour que Karine Nadeau décide de demander de l’aide.

« Un jour, je me suis tannée. Je me suis dit : ce n’est pas vrai que je vais passer ma vie à haïr mon corps, confie la Bromontoise. J’ai compris que si je continuais comme ça, je ne serais jamais heureuse, peu importe le poids que j’aurais. »

C’est à ce moment-là qu’elle s’est libérée du poids qui lui pesait le plus lourd sur les épaules. « J’en ai parlé à mon médecin de famille. Au début, c’était difficile, mais j’ai fini par lâcher le morceau. J’ai tellement pleuré ! Mais je me suis sentie écoutée et comprise », poursuit-elle.

Après une relation abusive, où son ex-copain contrôlait son apparence et lui manquait de respect, Mme Nadeau a fini par rencontrer celui qui deviendrait le père de ses enfants, un homme qui l’aime comme elle est et qui la soutient dans ses moments de vulnérabilité. « Il m’aide beaucoup à ce que je m’aime moi-même », dit-elle.

Se remettre de ses troubles alimentaires est le combat d’une vie, juge la blogueuse. Certains jours, elle est bien dans sa peau. Ça lui arrive encore d’être complexée d’autres fois. « Mon trouble alimentaire, c’est la conséquence de plein de choses dans ma vie. Il n’y a pas qu’une seule raison qui explique pourquoi je suis tombée là-dedans, et je ne les ai pas encore toutes trouvées, remarque-t-elle. Mais chaque jour, j’apprends à mieux me connaître. »

Se raconter pour aider

En créant «Le beau désordre», Karine Nadeau voulait se mettre au défi de se raconter, à la fois pour mieux s’accepter et pour offrir à d’autres personnes souffrant d’un trouble alimentaire un espace exempt de jugement, mais empli de compassion et d’écoute. « Si je réussis à aider ne serait-ce qu’une personne, ce sera mission accomplie ! » lance la mère de famille, qui retrace son parcours dans différents billets, à la fois avec humour et sévérité à son endroit, en plus de partager diverses ressources à l’attention des personnes atteintes d’un trouble alimentaire.

« C’est la première fois qu’on en parle qui est la plus difficile. Après, ça devient plus facile de s’ouvrir », estime celle qui a depuis le lancement de son blogue, l’an dernier, reçu des confidences de la part de personnes de son entourage, entre autres, aux prises avec un trouble alimentaire.

D’ici quelques jours, Mme Nadeau commencera à publier des témoignages reçus sur son site, question de construire une communauté d’individus qui, ensemble, sont plus forts que le mal qui les a rongés si longtemps.

« On peut aller mieux. Je te le promets », écrit-elle à l’attention de ses lecteurs, aussi bien hommes que femmes.

Le beau désordre : wwwlebeaudesordre.com