Se propulser grâce au travail à distance

Mentor, entrepreneur, accompagnateur, spécialiste en ressources humaines, consultant et fondateur de l’Académie d’entrepreneuriat AB Foster : Dominic Sicotte a touché à tout dans sa prolifique carrière, dont le fil conducteur est une passion insatiable pour les technologies d’information et de communication et l’éventail de possibilités que celles-ci offrent aux entrepreneurs.

Le télétravail n’a absolument rien de neuf pour Dominic Sicotte, pas plus qu’il n’a de secrets pour l’entrepreneur en série de Waterloo. Voilà tout près de 20 ans que l’homme d’affaires travaille avec des partenaires, des collègues et des employés d’un peu partout au Québec et autour du globe.


Mentor, entrepreneur, accompagnateur, spécialiste en ressources humaines, consultant et fondateur de l’Académie d’entrepreneuriat A.-B.-Foster : Dominic Sicotte a touché à tout dans sa prolifique carrière, dont le fil conducteur est une passion insatiable pour les technologies d’information et de communication et l’éventail de possibilités que celles-ci offrent aux entrepreneurs. «Déjà, avant même qu’Internet arrive massivement dans les foyers, je tripais sur le fait qu’on puisse se connecter, via les lignes téléphoniques, sur les ordinateurs de nos chums pour jouer à des jeux en réseau», se souvient le principal intéressé, qui en deux décennies a embauché et géré plus d’une centaine de travailleurs à distance en plus d’accompagner des centaines d’entreprises à entreprendre ce virage mondial.

Grâce à des plateformes en ligne telles que Upwork, qui permet le maillage entre employeurs et chercheurs d’emploi, M. Sicotte recrute des travailleurs contractuels et pigistes partout dans le monde pour ses nombreux projets. «Pourquoi se limiter aux talents dans un rayon de quelques dizaines de kilomètres de ton bureau quand tu peux avoir accès aux meilleurs talents partout dans le monde? demande-t-il. C’est un outil incroyable pour les entreprises.»



«La beauté de la chose, c’est que ça permet d’étendre notre portée, aussi bien pour recruter des talents que pour rejoindre des clients en dehors de notre bassin local, poursuit l’entrepreneur. Les meilleurs évangélistes d’une entreprise sont nos employés : quand ils parlent en bien de leur travail, ce bouche-à-oreille est porteur.»

Des entreprises Plus compétitives et plus productives
Dominic Sicotte voit plusieurs avantages à faire appel à de la main-d’œuvre étrangère. «Les Philippines sont une mine d’or pour les sous-traitants anglophones, de la même manière que Madagascar l’est pour les francophones, indique-t-il. Ce sont des travailleurs qui parlent notre langue et à qui on peut offrir un salaire très confortable qui représente tout de même des économies pour nous. Pour lancer une entreprise, c’est un bon tremplin.»

Mais loin de lui l’idée de prôner le cheap labor à tout prix. «Avec ces économies, on peut ensuite embaucher des talents qu’on souhaite localement et investir dans l’entreprise pour la faire grandir», nuance le consultant.

«La beauté de la chose, c’est que ça permet d’étendre notre portée, aussi bien pour recruter des talents que pour rejoindre des clients en dehors de notre bassin local. Les meilleurs évangélistes d’une entreprise sont nos employés : quand ils parlent en bien de leur travail, ce bouche-à-oreille est porteur.»



«Au Québec, la main-d’oeuvre et capable d’initiative par elle-même. Elle pense par elle-même, ce qui n’est pas le cas ailleurs où il faut parfois être très précis sur les résultats souhaités et sur les moyens d’y parvenir», poursuit M. Sicotte.

De plus, le recrutement de travailleurs autonomes ou à distance permet aussi aux plus petites entreprises, généralement moins nanties, de devenir plus compétitives. «Ça peut forcer la coopération entre les entreprises plutôt que la compétition. Peut-être que de plus petites compagnies n’ont pas besoin ou n’ont pas les moyens d’avoir une ressource à temps plein ; mais si elles sont plusieurs dans cette situation et qu’un même candidat leur convient, elles pourraient se partager son talent et les coûts en main-d’œuvre», relate l’homme d’affaires.

Aux yeux de ce dernier, le plus grand avantage d’avoir des employés à travers le monde demeure néanmoins la possibilité de faire progresser l’entreprise plus rapidement en misant sur le décalage horaire. «En finissant ta journée, tu peux envoyer une note à tes collègues qui vivent dans un autre fuseau horaire, et le temps que tu passes à vaquer à ta vie personnelle et à dormir, le projet a avancé à une autre étape quand tu reprends le travail, le lendemain matin, illustre-t-il. Ça a pour effet de faire rouler l’entreprise 24 heures et d’avancer plus vite.»

S’assurer de l’assiduité de chacun
En contrepartie, concède-t-il, le principal défi d’une telle façon de faire est de s’assurer de l’assiduité de chacun au travail alors qu’on n’est pas sur place pour voir l’employé s’acquitter de sa tâche. «Ce n’est pas parce que quelqu’un facture moins cher de l’heure qu’il va travailler aussi vite qu’un autre... Va-t-il mettre quatre fois plus de temps pour faire la même tâche? demande M. Sicotte. Il faut s’assurer que non, sinon l’économie n’est pas réelle.»

Certains logiciels permettent de surveiller l’activité du travailleur sur son poste de travail. «On peut carrément suivre les mouvements de la souris ou l’activité du clavier, explique M. Sicotte. Comme ça, on sait que l’employé n’a pas simplement ouvert son logiciel et qu’il a fait autre chose. Si je vois que ça lui prend six heures effectuer une tâche qui devrait en prendre deux, ça permet de rectifier le tir en ayant une franche discussion avec lui.»

Le patron est cependant conscient qu’une telle surveillance peut faire sourciller des employés, qui pourraient se sentir ainsi envahis. «C’est pour ça qu’il est important de leur expliquer pourquoi on le fait et de ne pas en abuser, dit-il. Généralement, les gens comprennent. Et aussi niaiseux que ça puisse avoir l’air, en sachant qu’ils peuvent être surveillés, les gens sont naturellement plus productifs!»



Deux défis pour demain

Si le travail à distance était plutôt marginal jusqu’à tout récemment, cette façon de faire est là pour rester, estime Dominic Sicotte. Selon lui, l’explosion du nombre de télétravailleurs pose son lot de défis. «Au Québec, avant la COVID, environ 40 à 50% des entreprises permettaient le télétravail, mais pour environ 5% des employés. On parlait surtout, par exemple, de gens qui travaillaient de la maison quand un enfant ne pouvait pas aller à l’école parce qu’il était malade, illustre l’entrepreneur. La COVID est venue changer la donne.»

Il faudra environ cinq ans pour voir les effets de la pandémie sur les pratiques de travail, estime l’homme d’affaires, en partie parce qu’il y aura toujours une certaine résistance au changement. «Le Web a commencé à s’implanter dans les résidences en 1995, et pourtant, encore récemment, des entreprises n’ont pas encore de site web, rappelle-t-il. C’est la même chose avec le travail à distance : celles qui ne suivront pas la vague vont se trouver pénalisées et se priveront de talents incroyables qui souhaitent cette flexibilité.»

«Le plus grand défi sera de développer et de maintenir un fort sentiment d’appartenance des employés envers la compagnie et de transmettre aux nouveaux employés la culture d’entreprise tout en leur permettant de se sentir accueillis au sein d’une équipe qu’ils n’auront pas rencontrée», insiste Dominic Sicotte.

L’esprit d’équipe malgré l’intangible

Et si 2020 a été l’année de la croissance du travail à distance, avec sa part de résistance, 2021 devra être l’année de l’adaptation pour ces entreprises, ajoute M. Sicotte. «Le plus grand défi sera de développer et de maintenir un fort sentiment d’appartenance des employés envers la compagnie et de transmettre aux nouveaux employés la culture d’entreprise tout en leur permettant de se sentir accueillis au sein d’une équipe qu’ils n’auront pas rencontrée. Il y aura beaucoup de travail à faire à ce niveau-là», estime le consultant. «Le plus difficile quand tout le monde travaille de chez soi, c’est la communication spontanée, renchérit-il. Si on est tous dans le même bureau, et que quelqu’un a une idée, on peut en parler immédiatement en équipe. Quand on est tous éparpillés dans le monde et dans des fuseaux horaires différents, ça change la donne.»

Déjà, plusieurs entreprises ont pris sur elles de créer de nouveaux canaux de communication continue, entre autres via les plateformes Zoom, Meet ou Slack, pour permettre aux travailleurs d’échanger à tout moment, à la manière d’une machine à café virtuelle.

Profiter de la manne

Un autre défi découlant de l’explosion du télétravail concerne cette fois-ci les villes et municipalités. «Elles devraient absolument profiter de la manne que sont les télétravailleurs, qu’on appelle aussi les travailleurs nomades», propose Dominic Sicotte, qui a lui-même travaillé à distance pendant toute une année, alors qu’il bourlinguait en famille à travers les États-Unis. «C’est une clientèle qui sera de plus en plus nombreuse et certaines villes pourraient en attirer une partie si elles prévoient des infrastructures pour les accueillir», ajoute-t-il.