Une origine unique pour le chien?

Le «meilleur ami de l’homme» aurait été domestiqué une seule fois et, une fois devenu chien, il n’aurait presque plus jamais intégré de gènes de loups sauvages, suggère la plus vaste étude génétique effectuée à ce jour sur les origines du chien, parue jeudi dans Science.


«La grande force de cet article-là, c’est dans le nombre et la répartition [d’un bout à l’autre de l’Eurasie, incluant le Proche Orient, NDLR] des chiens anciens qui sont inclus. C’est l’étude la plus complète qu’on a à ce stade-ci», commente le chercheur en génétique des mammifères à l’École de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal David Silversides, qui n’a pas participé à l’étude.

Celle-ci est basée sur pas moins de 27 génomes de chiens anciens, qui ont vécu pour la plupart il y a plus de 3000 ans — et jusqu’à 11 000 ans. Par comparaison, lit-on dans le texte, on ne disposait jusque-là que de 6 génomes de chiens et de loups anciens pour tenter de comprendre comment la domestication du chien. Il a fallu les efforts concertés de plus de 50 chercheurs provenant de disciplines diverses (génomique, archéologie, informatique, etc.) sous la direction d’Anders Bergström et Pontus Skoglund, de l’Institut Francis Crick à Londres, pour y parvenir.

Les chercheurs ont ensuite comparé entre eux les génomes (ainsi qu’avec des génomes de loups) pour établir leur niveau de parenté. Résultat : il semble que le chien n’a été domestiqué qu’une seule fois, ou à la limite quelques fois à partir de la même petite population de loup gris — laquelle n’existe plus de nos jours.

«Ça, c’est un peu surprenant, dit M. Silversides. Eux disent que leurs données peuvent s’expliquer par un seul événement de domestication, mais dans d’autres articles dans le passé, on disait que le chien pouvait avoir été domestiqué à plusieurs reprises. Mais bon, ce ne sont que des hypothèses.»

Maintenant, la date et le lieu de cette domestication unique ne sont pas élucidés dans la nouvelle étude. Ses auteurs indiquent simplement que rendu à 11 000 ans avant aujourd’hui, on comptait déjà cinq grandes lignées de chiens dans le monde.

Fait intéressant, l’article de Science conclut qu’il y a eu beaucoup de transferts génétiques du chien vers le loup à travers l’histoire, mais que l’inverse (du loup vers le chien) n’est presque jamais arrivé. «Ça aussi, c’est une nouveauté, souligne M. Silversides. Dans le passé, d’autres études avaient cru voir des signes d’échanges génétiques bidirectionnels entre le chien et le loup, mais là, eux disent que c’était unidirectionnel. Tout ce qu’on peut en dire pour l’instant, c’est que c’est une interprétation qui vaut pour leur jeu de données à eux. Il faudra attendre de séquencer d’autres génomes anciens pour le confirmer ou l’infirmer.»

L’article de Science n’explique pas pourquoi les transferts génétiques auraient été unidirectionnels, mais on peut imaginer que quand les croisements survenaient en nature, alors les hybrides rejoignaient les loups, alors que quand le croisement survenait dans un village, il est possible que les chiens-loups étaient tués ou rejetés à cause de leur comportement plus agressif et/ou imprévisible.

«Ça pouvait être quelque chose comme ça, dit M. Silversides, ou alors une explication plus comportementale : le loup a peur de l’homme, il ne vient pas dans les villages, alors que les chiens, eux, peuvent s’aventurer dans la forêt. C’est donc plus facile pour le chien d’aller dans la nature pour s’accoupler avec le loup que l’inverse.»

Enfin, notons que l’article a également mis en parallèle les génomes des chiens avec ceux d’humains ayant vécu dans les mêmes régions et époques. La comparaison fait ressortir qu’en général, les lignées de chiens restaient avec les mêmes lignées humaines dans le temps, mais qu’il y a eu quelques «ruptures» à travers l’histoire — des populations humaines qui se déplaçaient sans chiens, ou des chiens qui changeaient de groupements humains, possiblement à la suite d’échanges commerciaux.