En se rendant sur place pour informer le propriétaire des lieux, Michel Courtemanche, de la précarité de la situation de ses locataires qui dépendent de cet environnement pour vivre, les gestionnaires de projets de l’Organisme de bassin versant de la Yamaska sont tombés sur un citoyen sensible à cet enjeu et ouvert à passer à l’action.
«Je savais qu’il y en avait des tortues dans le coin, je suis venu au monde ici. Quand ils sont venus me voir, j’ai dit que je n’avais aucun problème à faire les aménagements nécessaires pour protéger ces animaux-là», raconte le propriétaire de la pourvoirie, dont le territoire abrite plusieurs cours d’eau importants qui se jettent dans La Renne et qui en font un point de rencontre prisé par une centaine de ces reptiles.
La tortue des bois, dont la carapace peut atteindre 40 cm de diamètre, hiberne dans la rivière durant l’hiver et, au printemps, sort de l’eau pour gagner les berges en quête d’un endroit chaud, comme du sable, du gravier ou de la poussière de sable, pour y pondre ses oeufs. Les sentiers de sable qui sillonnent le territoire de la pourvoirie sont idéals pour les accueillir, excepté pour le danger que posent les VTT qui y circulent.
Les projets d’aménagement visent à dégager et protéger des espaces que les experts croient déjà être utilisés par la tortue pour l’inciter à s’y rendre et à remplacer le sable des sentiers par de la roche, afin d’empêcher la tortue de pondre à ces endroits dangereux. Le succès de ce genre d’installation a été «mitigé» par le passé, note Michel Landry, gestionnaire de projets à l’OBV Yamaska, puisque la tortue refuse parfois de changer ses habitudes.
Au début du projet, en 2013, 12 endroits «prioritaires» ont été identifiés et confirmés dans l’ensemble du bassin versant de la Yamaska. Ensuite, en 2017, les propriétaires des lieux ont été approchés afin de les sensibiliser et d’identifier ceux qui seraient prêts à aller plus loin. Du lot, trois endroits ont été sélectionnés pour être le théâtre d’interventions : la rivière Le Renne, la rivière Yamaska à Bromont et les ruisseaux Quilliams et Alder à Lac-Brome. Les détails des autres aménagements restent à venir.
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Aménagement du territoire
Les gestionnaires de projets de l’OBV Yamaska sont aussi allés à la rencontre des municipalités et des MRC pour les sensibiliser, mais aussi pour que la protection des tortues des bois soit considérée dans les schémas d’aménagement des MRC d’Acton, de la Haute-Yamaska et de Brome-Missisquoi par les responsables de l’aménagement du territoire et pour qu’ils en tiennent compte dans leur planification.
«Donc de prévoir cet habitat-là dans leurs aménagements de route, réfactions de cours d’eau, réaménagement de pont et dans l’octroi de permis», précise-t-il.
Le plan est rendu possible, indique l’OBV Yamaska, grâce à un appui financier de 78 000 $ de plusieurs partenaires : Fondation de la faune du Québec, Programme d’intendance de l’habitat d’Environnement et Changements climatiques Canada, ministère de la Faune, des Forêts et des Parcs, Royaume Mac (13 300 $), Zoo de Granby, Corridor appalachien et OBV Yamaska.
«Tout le monde y gagne...surtout la tortue!»
«La tortue des bois et la participation exemplaire des partenaires nous amènent à réussir quelque chose de rare: réunir des intervenants municipaux, de MRC, des propriétaires privés et des agriculteurs pour protéger une espèce sensible et adresser des enjeux importants de l’aménagement du territoire, soutient le gestionnaire de projets à l’OBV Yamaska. C’est un beau projet de collaboration et d’écoute concernant des enjeux pour lesquels il n’est pas toujours facile de trouver un terrain d’entente. Dans ce cas-ci, tout le monde y gagne... surtout la tortue!»
En plus de limiter la mortalité de la tortue, les aménagements dans les sentiers constituent aussi une solution à long terme pour leur entretien, puisque M. Courtemanche devait les refaire annuellement lorsqu’ils étaient en sable.
Certaines pratiques agricoles, comme la fauche des champs de foin, sont de réels dangers pour la tortue. La tortue a une hauteur moyenne de neuf centimètres. En rehaussant la hauteur de la fauche au-dessus de 10 cm, on protège la tortue et cela a des conséquences favorables sur la deuxième et la troisième récolte dans la saison, explique Michel Landry, assurant que les agriculteurs sont très souvent réceptifs aux propositions et sensibles à ce type d’enjeu.
Dans le secteur de la rivière Le Renne, 60% à 70% des propriétaires contactés ont accepté d’être rencontré. Du lot, 90% ont signé une déclaration d’intention morale qui les engage dans certaines actions de protections et d’autres, comme Michel Courtemanche, sont allés encore plus loin en mettant sur pied des installations fauniques.
Quoi faire lorsqu’une tortue veut traverser la rue
Michel Landry invite par ailleurs la population à être plus attentive à la présence de la tortue sur les routes au printemps, alors qu’elle les traverse pour pondre de l’autre côté.
«Garder l’oeil ouvert pour la contourner ou, dans le meilleur des mondes, la tasser de la route en la soulevant en prenant sa carapace au niveau de ses pattes arrières et en la faisant marcher sur ses battes avants pour la pousser vers l’autre côté», indique-t-il.
Il suggère aussi de prendre le spécimen en photo, qu’il soit mort, vivant ou en train de pondre, et de l’envoyer sur le site web carapace.ca pour garnir la base de données utilisée par tous les spécialistes de la province.
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