«Je crois beaucoup en la conscientisation sociale, note la principale intéressée. On ne peut pas — on ne peut plus — fermer les yeux collectivement sur une situation comme la violence conjugale.»
La cause est donc chère au coeur de la femme d’affaires, pour qui l’idée germait déjà dans son esprit pendant qu’elle démarrait son entreprise de produits pour le corps naturels et écoresponsables.
«Ce n’est peut-être pas le moment idéal pour solliciter les gens, mais c’est une cause qui demeure importante. J’étais sur le point de lancer ma campagne quand la pandémie est arrivée, raconte la Granbyenne. Et puis là, je n’arrêtais pas de voir des reportages qui parlaient de violence conjugale et des difficultés du confinement pour les femmes, qu’elles soient chez elle ou dans une maison d’hébergement. Je ne pouvais plus attendre.»
La campagne a donc été lancée le 8 mai dernier sur la plateforme La Ruche Québec, et vise à récolter un minimum de 5000$. La somme permettra à Mme Sarrazin d’offrir à 50 femmes vivant en maison d’hébergement pour victimes de violence conjugale un petit mot personnalisé de même qu’un pot contenant son baume «Coeur pour elle».
Un produit conçu et élaboré spécialement pour l’occasion, qui sera disponible uniquement dans le cadre de cette campagne que son instigatrice souhaite annuelle.
Selon le montant versé, les donateurs les plus généreux pourront en recevoir un pot pour eux-mêmes ou pour offrir à une femme de leur entourage en plus d’en faire bénéficier une inconnue, l’idée étant de ne pas stigmatiser celles qui l‘auront en main. «Je ne voudrais pas qu’une femme qui a mon baume soit immédiatement étiquetée comme une victime de violence conjugale, clarifie Mme Sarrazin. Je veux aussi que ce soit possible pour une femme de se l’offrir à elle-même ou à une amie, que le baume représente d’abord la solidarité envers la cause.»
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«Câlin collectif»
Les premières bénéficiaires de ce «câlin collectif» seront probablement les pensionnaires des ressources d’hébergement de Granby et des environs. Plus nombreux seront les dons, plus grand sera le nombre de femmes dans la province qui recevront cette petite attention pour leur rappeler qu’elles ne sont aussi seules qu’elles le croient sur le chemin de la guérison.
«Quand on se sort du cycle de la violence, c’est là que tout commence. C’est aussi à ce moment-là que les victimes se sentent le plus seules, car leur conjoint a petit à petit orchestré leur isolement, souligne Mme Sarrazin. Le petit mot, c’est pour les encourager, pour leur dire qu’elles ont déjà fait un grand pas en se sortant de la situation dans laquelle elles étaient. Le baume, c’est pour leur rappeler de prendre soin d’elles et que l’amour n’est pas quelque chose qui se mérite: c’est un sentiment qui s’offre avec respect.»
Pour se recentrer sur soi
Le projet de sa mère, Amélie ne fait pas que l’endosser; elle «l’affectionne». Celle qui a subi de la violence psychologique de la part d’un ex-conjoint sait à quel point se recentrer sur soi est difficile après avoir traversé cette épreuve.
«Quand je suis sortie de là, et même encore aujourd’hui, j’ai du mal à me donner la priorité. Juste d’aller m’acheter un baume pour prendre soin de mon corps, c’est quelque chose à quoi je ne pense pas toute seule, dit-elle. Dans toute cette histoire, ce qui m’a fait le plus de bien, ce ne sont pas les gens qui m’ont pris en pitié, ce sont ceux qui me faisaient un petit coucou, qui me faisaient simplement savoir qu’ils étaient là. C’est un beau geste.»
Ce sont les ressources en hébergement pour femmes victimes de violence conjugale qui lui ont ouvert les yeux sur la manière insidieuse dont la violence s’est installée au sein de son couple une fois que celui-ci a commencé à faire vie commune. «C’est là que j’ai appris ce qu’était le cycle de la violence, c’est ce qui m’a fait réaliser la situation dans laquelle j’étais et qui m’a préparée à partir», se rappelle celle qui se décrit comme une femme forte, indépendante et confiante en elle, loin du stéréotype de la femme violentée.
À ceux qui croient que les femmes victimes de violence conjugale n’ont qu’à quitter leur bourreau et refaire leur vie, Amélie leur répond que ce n’est pas aussi simple. « Quand on parle de violence conjugale, on s’imagine que c’est tout blanc ou tout noir, mais ce n’est pas le cas, précise la jeune mère. 95% de notre vie commune était bonne, mais ce sont les 5% restants, qui étaient invivables.»
Plus d’un an et demi après avoir quitté son conjoint, Amélie va mieux, mais elle ne peut pas affirmer qu’elle s’est complètement remise de cette relation toxique.
Elle est convaincue que l’initiative de sa mère apportera réconfort et soutien à d’autres femmes ayant vécu l’enfer.
Les dons inférieurs à 25$ sont acceptés, bien qu’ils ne donnent pas droit à une contrepartie au donateur. «Tous les dons sont les bienvenus, mentionne Claire Sarrazin. Un don, ne serait-ce que de 5$, me permet d’aller plus près de mon objectif. Un jour, j’espère que toutes les femmes du Québec en ayant besoin auront mon baume.»
Il est possible de consulter la page de la campagne de sociofinancement à cette adresse https://laruchequebec.com/projet/coeur-pour-elles-6984