Si des centaines de milliers de Québécois se trouvent dès mardi au chômage forcé, ceux-ci pourront tout de même toucher certaines allocations pour joindre les deux bouts jusqu’à la reprise. « Au fédéral, les travailleurs pourront bénéficier d’une Allocation de soins d’urgence allant à 450 $ par semaine et, au provincial, il s’agit de 573 $ par semaine, indique le coordonnateur d’Action Plus Brome-Missisquoi, Nicolas Luppens. De nombreux bénéficiaires d’aide sociale ne reçoivent que 160 $ par semaine. »
M. Luppens fait valoir que les prestataires de l’aide sociale seront eux aussi pénalisés, particulièrement ceux réputés aptes au travail et qui arrivaient à joindre les deux bouts grâce aux 200 $ supplémentaires qu’ils avaient droit de gagner chaque mois, en plus de leur chèque mensuel. Avec la fermeture de toutes les entreprises non essentielles, on vient priver ces personnes d’un revenu d’appoint qui, dans certains cas, faisait toute la différence.
« Dans les faits, ils ne peuvent pas aller au travail si l’entreprise est fermée sur ordre du gouvernement. Pour le moment, et du moins temporairement, tous les bénéficiaires de l’aide de dernier recours devraient donc être considérés comme ayant une contrainte de les empêcher de travailler et obtenir un revenu de plus de 1000 $ par mois pour faire face à la crise », plaide M. Luppens.
Pour leur permettre de faire face à la crise, le Front commun des personnes assistées sociales du Québec réclame également du gouvernement qu’il prévoie et remette une prestation spéciale aux bénéficiaires de l’aide sociale pour que tous reçoivent le montant maximal versé par mois aux prestataires inaptes au travail, mais aussi qu’il augmente le seuil d’avoirs liquides autorisés pour tous.
Isolés, mais plus à risque
Celui-ci rappelle que les prestataires de l’aide sociale ont souvent recours aux banques alimentaires, aux soupes populaires et aux organismes communautaires pour survivre, ce qui est grandement compliqué en période de confinement. « Quand on a un plus petit revenu, on doit avoir un réseau d’entraide pour s’en sortir et l’isolement obligatoire prive les bénéficiaires de l’aide sociale de ce réseau », relève l’intervenant.
« Aussi, lorsqu’ils font leur épicerie, en temps normal, ils achètent en fonction des soldes en magasin et en circulaire. Avec les pénuries qu’on observe dans certains marchés, ils n’ont plus le choix et devront se procurer ce qui est disponible pour pouvoir manger, ce qui peut leur coûter plus cher, ajoute M. Luppens. De plus, ils doivent souvent faire plus d’une épicerie, ce qui est fortement déconseillé en ce moment. Mais pour manger, certains devront le faire et ces personnes sont plus à risque d’être infectées. »
C’est sans compter que les moins nantis n’ont pas les moyens de se faire des réserves. « Ces personnes n’ont clairement pas les mêmes chances de faire face à la pandémie que les autres membres de la communauté. Pensons à l’achat de médicaments, à la possibilité de faire quelques réserves en cas de quarantaine ou encore de se faire livrer des aliments à domicile », analyse M. Luppens.
La situation représente un stress qui s’ajoute à l’anxiété économique que vivent déjà bon nombre de prestataires, sans compter les problématiques de santé mentale dont souffrent plusieurs d’entre eux. « En isolement forcé, ça peut empirer leur état », déplore le coordonnateur.
Demandes
S’il fait preuve de souplesse et de solidarité envers les travailleurs, Québec doit faire de même et démontrer de la compassion pour les plus vulnérables, croit Nicolas Luppens.
« Déjà, Hydro-Québec a suspendu les frais de retard pour les factures impayées, relate-t-il. Il doit aussi y avoir des mesures de soutien si ces personnes n’arrivent pas à payer leur loyer parce que leur revenu est amputé tout d’un coup. »
L’assouplissement du traitement administratif des dossiers, entre autres les demandes de documents qui forceraient les bénéficiaires à se déplacer, est aussi demandé.