Journée internationale des femmes: «Le machisme tue plus que le coronavirus»

Plus d’une centaine de personnes ont participé à la marche du 8 mars à Québec organisée par la Coalition régionale de la Marche mondiale des femmes.

Le machisme a bel et bien fait plus de morts que le coronavirus au Canada. Personne au pays n’est encore décédé des complications de ce virus. Par contre, 118 femmes et filles ont été tuées à la suite de violences en 2019 au Canada. Dans 87 % des cas, les accusés de ces meurtres étaient des hommes, peut-on comprendre dans le rapport annuel de l’Observatoire canadien du fémicide pour la justice et la responsabilisation (OCFJR).


Plus d’une centaine de personnes ont participé à la marche du 8 mars à Québec organisée par la Coalition régionale de la Marche mondiale des femmes (MMF). Elles revendiquent des mesures concrètes pour lutter contre les inégalités homme-femme et contre les violences envers les femmes, en plus d’attirer l’attention sur les changements climatiques qui exacerbent les injustices vécues par les femmes à travers le monde.

«[Des mesures concrètes]ça passe notamment par une grande campagne de sensibilisation contre les violences faites aux femmes et de prévention de la violence. Ça passe par de l’argent pour les groupes qui travaillent en prévention de la violence et qui aident les femmes qui sont victimes de violence pour prévenir les féminicides», expose Anne-Valérie Lemieux-Breton, co-porte-parole pour la Coalition régionale de Québec de la MMF.

«C’est aussi important que les femmes autochtones aient réparation, soutient-elle. C’est important que les policiers aient des formations sur le respect des droits des femmes autochtones. Il y a eu des commissions d’enquête, on veut que les recommandations soient appliquées.»

Les participantes et leurs alliés se sont rejoints devant la Nef sur la rue Saint-Joseph à Québec vers 10h30. 

Après des prises de paroles et un 15 secondes de hurlements symboliques pour laisser libre cours à leur colère, les personnes se sont mises en marche pour se rendre au centre Durocher sur la rue Raoul-Jobin pour un rassemblement féministe non mixte et un brunch.

«On n’est pas encore dans une société égalitaire, souligne Anne-Valérie Lemieux-Breton. Pour nous, c’est important de se retrouver entre femmes. C’est un lieu où les femmes peuvent prendre la parole. C’est un lieu où on peut nommer les oppressions qu’on vit. On a constaté que dans des lieux non mixtes, les femmes prennent la parole plus facilement.»

Femmes plurielles

«Ce n’est pas la journée de la femme», précise la co-porte-parole de la Coalition régionale de Québec. «C’est toute une variété de vécus et de réalités que les femmes vivent et il faut prendre en considération toutes ces réalités», explique-t-elle. 

Les revendications des femmes et de leurs alliés présents à la marche tenaient d’ailleurs compte des enjeux spécifiques des femmes autochtones et des femmes racisées du Québec, mais également du monde entier, puisque cette marche est un pendant régional d’un grand mouvement international : la Marche mondiale des femmes, qui fête ses 20 ans cette année. 

«C’est plus de 161 pays en l’an 2000 qui ont répondu à l’appel de la Fédération des femmes du Québec qui avait fait la marche en 1995 du Pain et des Roses pour rendre international un mouvement de revendications féministes», explique Anne-­Valérie Lemieux-Breton.

Depuis ce temps, tous les cinq ans, il y a une année d’actions internationales à travers le monde. 2020 est l’une de ces années où les actions de revendications féministes ne se limiteront pas au Québec ni au 8 mars. «Aujourd’hui, on a une manifestation suivie d’un rassemblement féministe. Ensuite, le 24 avril, c’est un 24h de solidarité féministe où, partout à travers le monde entre midi et 13h, il y aura des actions féministes, ce qui fait un 24h», informe la co-porte-parole. «Puis, pour aboutir le 4 juin à un marcheton qu’on va organiser pour amasser des sous pour pouvoir payer le transport pour aller à une grande manifestation provinciale à Terrebonne, dans Lanaudière, le 17 octobre prochain, qui est la journée de l’élimination de la pauvreté.»

Une robe qui a des choses à dire

Pour les 20 ans de l’internationalisation de la marche des droits des femmes, une robe conçue en 2000 pour la MMF par l’artiste Jocelyne Barnabé a fait son retour dans la rue dimanche à la marche du 8 mars de Québec. «On l’a ressortie et on lui a mis des nouveaux messages dessus 20 ans plus tard», explique Rebecca Breton, membre du comité femme de la Capitale-Nationale de Québec solidaire. «Hier, on a fait un micro ouvert, un cabaret féministe, et il y a des femmes qui ont pris la parole. À la fin, toutes les femmes étaient invitées à écrire des souhaits, des revendications, c’était libre à elles.»

«Dans notre comité, on est des femmes de toutes les générations et on réalise que ça n’a pas changé tant que ça finalement, déplore Rebecca Breton. Il y a des enjeux qui sont différents ou véhiculés différemment. Les réseaux sociaux ont changé beaucoup de choses. On est plus entendu, je crois. On a un plus grand pouvoir comme on l’a vu avec #MeToo. Mais ça reste que les enjeux sont pas mal encore les mêmes.»

Féminicides

En 2019, féminicide était le mot de l’année du dictionnaire Le Petit Robert. En 2020, il est encore absent du dictionnaire Larousse. Il n’y figure pas non plus sous l’orthographe «fémicide», bien que cette forme soit utilisée par l’Observatoire canadien du fémicide pour la justice et la responsabilisation (OCFJR).

«On veut que le féminicide fasse partie du vocabulaire des journalistes», intervient Christiane Gignac, du Centre ressources pour femmes de Beauport. «Parce que ça définit bien que ce n’est pas un crime passionnel. C’est un meurtre qui est nommé sous forme de féminicide parce que ça vise les femmes», explique-t-elle.