Le plus haut tribunal de la province ordonne ainsi un nouveau procès pour Véronique Lalonde.
La femme de Sainte-Cécile-de-Milton avait été reconnue coupable en 2016 de voies de fait graves par le juge Serge Champoux de la Cour du Québec. Elle avait reçu une peine de deux ans de prison.
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Le juge Champoux, se basant sur la preuve d’experts, avait conclu hors de tout doute raisonnable que l’enfant, à un moment ou à un autre, avait été victime d’un traumatisme craniocérébral non accidentel, communément appelé « syndrome du bébé secoué », relate la Cour d’appel dans son jugement publié mercredi.
Toutefois, le juge devait encore se demander si l’éducatrice avait eu l’opportunité exclusive de poser les gestes de violence reprochés dans l’acte d’accusation, ajoute-t-elle.
Pour les experts de la poursuite, le trauma subi par l’enfant a eu lieu dans les instants précédant l’apparition des symptômes, de sorte que cette conclusion mettait la culpabilité sur les épaules de Mme Lalonde, qui avait alors la garde du poupon, le 2 avril 2012.
Mais une autre hypothèse a été avancée en défense par l’entremise du docteur Alain Crevier, un neurochirurgien pédiatrique avec une surspécialité en épilepsie infantile. Cet expert est d’ailleurs celui qui a prodigué les premiers soins à l’enfant lors de son arrivée à l’hôpital. Pour lui, ce qui a été constaté chez l’enfant ce jour-là est plutôt compatible avec des convulsions associées à une crise d’épilepsie provoquée par un traumatisme survenu quelques jours avant le 2 avril (entre deux et dix jours), alors que l’enfant était sous la garde exclusive, soit de sa mère, de son père ou encore de sa grand-mère. De plus, il est possible selon lui que d’anciennes blessures au cerveau aient pu être l’objet d’un « resaignement » en raison d’un choc dont la cause ne relèverait pas nécessairement de la maltraitance, mais par exemple d’une chute accidentelle. Au soutien de ces deux hypothèses, le docteur Crevier constate que, dans les jours précédant le 2 avril, l’état de santé de l’enfant n’était pas complètement normal, peut-on lire dans le jugement.
Après son étude de cette affaire, la Cour d’appel est d’avis que le raisonnement adopté par le juge pour conclure à la culpabilité de la gardienne est erroné.
Pour parvenir à identifier le coupable, il a adopté une méthode d’élimination progressive en se livrant à l’analyse de la situation des principaux acteurs susceptibles d’avoir posé des gestes de violence à l’égard de l’enfant.
« En effet, la facture du jugement entrepris permet de croire que c’est l’absence de preuve portant sur la responsabilité des autres acteurs ou intervenants auprès de l’enfant qui amène le juge à conclure à la culpabilité de Mme Lalonde, ce qui témoigne dans les faits d’un renversement du fardeau de la preuve. » L’éducatrice n’a pas à prouver son innocence, rappelle la Cour: il revient à la poursuite de prouver hors de tout doute raisonnable les faits constitutifs de l’infraction reprochée.
La Cour estime aussi que le juge ne s’est d’ailleurs pas interrogé sur un élément important de la défense susceptible de soulever un doute, en l’occurrence l’hypothèse du docteur Crevier concernant l’origine de la crise d’épilepsie, écrit la Cour.
Mais elle ne prononce pas l’acquittement de Véronique Lalonde « puisque la preuve correctement analysée par un juge pourrait être suffisante pour entraîner sa culpabilité ». Un autre procès est ainsi ordonné.