« Ça m’a vraiment déstabilisée. Ça m’a ramenée à un endroit pas facile. C’était exactement ce que j’ai vécu. Ce sont les mêmes étapes, le même pattern, le même couloir que mon M à moi a emprunté. C’est extrêmement réaliste », a confié Mme Falaise, visiblement émotive, après avoir marché dans les couloirs de la violence amoureuse, un parcours installé du 18 novembre au 31 janvier au centre Jean-Paul-Régimbal de Granby.
Âgée de 18 ans et étudiante à l’université, Ingrid Falaise a été victime de violence conjugale. Son histoire, elle l’a racontée dans son premier récit Le Monstre dans lequel elle raconte son histoire d’amour avec M, mais aussi la transformation de son prince charmant devenu bourreau. Son histoire a été transportée au petit écran sur les ondes de Radio-Canada cet automne.
Les femmes représentent 78 % des victimes de violence conjugale. Chaque année, 11 femmes meurent au Québec, dénonce Mme Falaise, aujourd’hui âgée de 38 ans. « Ça n’a aucun sens. La violence conjugale est un fléau. »
Informer les jeunes
C’est à l’occasion d’une conférence présentée à Thedford Mines l’année dernière qu’elle a découvert Les couloirs de la violence amoureuse, un outil destiné aux adolescents conçu au Saguenay — Lac-Saint-Jean. « On se sent claustrophobe. On le vit en faisant le couloir. De le marcher, c’est encore plus vrai. Ce n’est pas rocambolesque, dit-elle, c’est des mots, des moments. On peut vraiment bien comprendre. »
Ingrid Falaise n’a pas hésité à accepter l’invitation de la Table de concertation pour contrer la violence faite aux femmes de la Haute-Yamaska et de Brome-Missisquoi d’être porte-parole de leur projet qui sera présenté à 2000 étudiants en 4e et 5e secondaire des commissions scolaires du Val-de-Cerfs et Eastern Township. Les adolescents seront invités à parcourir le labyrinthe multimédia qui a pour objectif de contrer la violence amoureuse. Il sera également ouvert au public le 18 janvier.
« Si j’avais eu accès à ces couloirs-là, peut-être que mon histoire aurait été moins loin, peut-être que j’aurais détecté les signes avant, affirme Mme Falaise. On n’est pas au courant que ce qu’on vit c’est de la violence conjugale, de la violence amoureuse. Plus on est sensibilisé, plus on est alerte aux signes, plus on sait que ça existe et que ces comportements-là sont toxiques et qu’ils ne devraient pas être acceptés. Le cycle est toujours le même. Plus on l’entend, plus on l’incarne, plus on sera à l’affût. »
Signes précurseurs
Bien qu’il soit difficile de quantifier les impacts des couloirs de la violence amoureuse, les étudiants en sortent mieux informés et plus outillés, affirme Carmen Paquin, directrice de la Maison d’hébergement Alice-Desmarais, l’un des nombreux partenaires du projet.
Le labyrinthe permet aux jeunes d’apprendre entre autres à découvrir les signes précurseurs de la violence conjugale, les conséquences et les moyens mis à leur disposition pour s’en sortir.
« Nos 2000 étudiants vont vivre une situation à laquelle ils pourraient être confrontés. Ils apprendront aussi que la violence n’a pas d’âge, ni de sexe, ni de genre », explique la policière Stéphanie Lemay, de la Sûreté du Québec.
Cette violence laisse des traces à jamais pour les victimes. Elle marque aussi les témoins, la famille, les amis.
« Ce n’est pas facile d’intervenir, fait valoir la policière Caroline Garand, porte-parole du Service de police de Granby. On reste marqué. Ça serait facile de dire qu’on applique la loi, qu’on fait des arrestations et que la victime passe à travers le processus judiciaire. Malheureusement, la loi est froide. Elle n’a pas d’émotion. La souffrance et la détresse, ce n’est pas écrit dans le Code criminel. Pour nous, ce projet-là prend toute son importance parce qu’on veut agir en amont. On veut que nos adolescents et nos adolescentes soient capables d’avoir de bons comportements amoureux pour éviter ce genre d’intervention là. »