Dans la hâte, et la curiosité aidant, il se peut qu’Antoine St-Germain et Raphaël Dumont demandent à ce qu’on leur lise ce texte qui parle d’eux. Pas qu’ils ne savent pas lire. Dans leur condition, c’est juste plus long. Les deux jeunes hommes sont aux prises avec un handicap visuel. Une condition loin de les gêner. D’ailleurs, dans leur vocabulaire, le mot «barrière» semble ne pas exister.
Antoine est non-voyant. L’ado de 15 ans, de Farnham, inscrit en sport-études natation à l’école secondaire Massey-Vanier de Cowansville est atteint d’une hypoplasie du nerf optique depuis la naissance. «Le nerf optique permet d’apporter l’info au cerveau, explique-t-il. Le mien est atrophié.»
Raphäel, lui, souffre d’une myopie «très, très sévère», dit celui qui étudie aussi à l’école Massey-Vanier, dans un programme d’art dramatique.
«Je vois environ à 10%, explique celui qui se passionne pour les communications, la politique et le théâtre. C’est génétique. J’ai le même handicap que mon père. J’ai une myopie de
-25, avec du strabisme.»
Pour illustrer à quel point son champ de vision est limité, Raphaël utilise un simulateur de vision, que la journaliste de La Voix de l’Est a expérimenté. En gros, c’est comme si l’ado tentait de voir la vie à travers une paille obstruée.
Malgré tout, rien n’arrête Antoine et Raphaël, tous deux âgés de 15 ans, devenus de très bons amis au fil du temps.
«Malgré leur problème de vision, ils ne refusent aucun projet et essaient tout», souligne le directeur adjoint 4e et 5e secondaire, XFP et Le Passage de l’établissement, Éric Roulier.
Même son de cloche du côté du directeur. «Grâce à leur présence, tout le monde à l’école est plus sensible à leur réalité, souligne Jean-Luc Pitre. Ils ont une telle force. Notre rôle est de former des jeunes qui réussiront dignement leur vie. Avec Antoine et Raphaël, on a l’impression de participer à quelque chose de grand.»
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Voir grand
Par exemple, Raphaël, est un touche-à-tout. «À l’école, je suis impliqué dans le comité du 50e anniversaire de Massey-Vanier, dans le conseil étudiant, la caisse étudiante, le programme d’aéronautique, le théâtre, le Festival de théâtre amateur...»
Dans ses temps libres, il s’intéresse également à la politique en général et se fait un devoir de toujours penser à améliorer les choses en lien avec ceux qui, comme lui, vivent avec une déficience visuelle. Sa collaboration avec la chaîne Accessibilité Média Inc. (AMI-télé) en est la preuve. Son but est d’ailleurs de faire sa place et sa trace dans le domaine des communications tout en défendant cette cause qui l’habite.
De son côté, Antoine, qui nage jusqu’à dix heures chaque semaine dans son programme d’études et parmi Les Loutres à la piscine Miner de Granby, rêve de devenir astrophysicien.
«Je suis un grand tripeux de sciences et d’aérospatiale, insiste-t-il. J’adore écouter des documentaires sur le sujet. J’aime aussi faire de la programmation.»
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Pour vivre ses passions, Antoine possède tout l’équipement nécessaire. Son ordinateur est muni d’un lecteur d’écran et d’un logiciel qui verbalise ce qui se passe au tableau. L’outil magique, dans son cas, est la planche tactile, qui lui permet de lire en braille ce qui s’affiche à son écran d’ordinateur. Tout son matériel scolaire, livres, manuels et notes de cours sont aussi traduits en braille.
Le jeune homme n’a d’ailleurs que de bons mots pour Nathalie Chabot, la technicienne en éducation spécialisée à l’école, qui veille à adapter son matériel pédagogique sur des machines spécialisées.
«Le gros défi, quand je suis arrivé à Massey-Vanier, a été de naviguer dans les couloirs, raconte Antoine avec beaucoup d’humour. C’est qu’il y a du monde au pied carré! Disons que j’ai développé encore plus mon sens de l’ouïe!»
Pour sensibiliser ses camarades, le nageur qui rêve de participer un jour aux Jeux paralympiques, a offert un petit atelier sur l’utilisation d’une canne.
«Après, quand les jeunes le croisaient dans le corridor, ça faisait le même phénomène que de mettre une goutte de savon à vaisselle dans du gras!», illustre Éric Roulier en riant.
«Antoine sépare les eaux!», a ajouté Raphaël, qui a un très bon sens de la répartie.
Devant la fougue de ses élèves et leur franche camaraderie, Jean-Luc Pitre a tenu à leur dévoiler une flatteuse intention. «Si je suis encore directeur quand vous terminerez votre secondaire, je tiens à ce que vous participiez avec moi au discours de fin d’année, s’est-il avancé. Vous êtes tellement une belle source d’inspiration.»
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