Il a d’abord été choqué de recevoir un tel ultimatum durant la semaine d’action mondiale pour le climat. « Chez moi, il y a plein d’abeilles et des bourdons », souligne-t-il en faisant visiter les lieux à la représentante de La Voix de l’Est, lundi matin. Il aurait ensuite préféré qu’on vienne lui parler de vive voix afin de pouvoir discuter de la nécessité d’un tel règlement, à l’heure où les insectes pollinisateurs ont la vie dure. Les abeilles et les bourdons sont effectivement en péril.
« J’aimerais savoir où est le problème. » Le règlement 113, article 10, limite la longueur du gazon à 30 cm sur une propriété privée, à l’exception d’un terrain de golf, d’un terrain en zone agricole, d’une terre en culture ou d’une partie de terrain servant à la protection d’un milieu naturel, d’une rive de cours d’eau ou du lac.
M. Lloubes estime que les herbes les plus longues chez lui sont d’environ 30 cm. À l’avant de la maison, l’herbe est couchée, tandis que poussent à quelques endroits des fleurs. Sur le côté du stationnement, ce sont majoritairement des fleurs qui poussent librement. À l’arrière, la partie que la famille de l’informaticien occupe est entretenue. Une large bande riveraine protège également un cours d’eau en contrebas. « On y a découvert tout un tas d’espèces de plantes médicinales et des fleurs vraiment fantastiques. J’ai laissé pousser (en avant et en arrière) pour voir un peu comment ça évoluerait et je suis satisfait qu’il y ait quand même beaucoup de fleurs. Ça a été comme ça tout l’été. »
Plainte d’un voisin
Seulement, cet aménagement naturel ne plait pas à tous. La lettre envoyée par la Ville de Sutton, « c’est parti d’une plainte, explique Alain Beauregard, directeur de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire. Et pour l’avoir observé, ça pourrait être mieux comme entretien. La pollinisation, il peut y en avoir partout sur le territoire de Sutton. »
L’ultimatum ne concerne que la partie avant de la maison, et non la bande riveraine à l’arrière. Si l’herbe n’est pas coupée d’ici le 7 octobre, la municipalité se réserve le droit de sévir. Il n’y a rien d’arrêté pour le moment, tout dépendra de ce que fera Jérémy Lloubes, mais il pourrait recevoir une contravention.
« J’aurais préféré que le voisin vienne cogner à ma porte pour me demander si je faisais quelque chose avec mon gazon, avoue le principal intéressé. On aurait pu s’en parler. Mais c’est clair que je veux laisser la majorité des endroits pousser naturellement le plus possible. »
Il a par ailleurs créé une zone avec des plantes mellifères — appréciées des abeilles — qu’il voudrait bien agrandir l’an prochain.
Réactions nombreuses
Le Suttonnais a fait part de son indignation sur les réseaux sociaux en publiant quelques photos de son terrassement. Sa publication a fait réagir et a été partagée à de nombreuses reprises. Les internautes l’encouragent dans ses démarches pour obtenir l’annulation ou la modification du règlement municipal. « Je voudrais qu’il y ait la possibilité de laisser les plantes pousser librement. Elles sont locales et appréciées par les espèces mellifères. Ça m’a beaucoup encouragé de voir les réponses des gens. »
Il a été quelque peu surpris par l’ampleur qu’a prise cette histoire et il souhaite que cet intérêt l’aide à faire changer les choses. « Je comprends l’origine de ce règlement-là, on ne veut pas que les maisons paraissent à l’abandon, c’est une ville touristique, on veut que ce soit joli et propre, confie-t-il. Mais je pense qu’il y a un juste milieu où on peut avoir quelque chose de propre et de joli, mais qui respecte la biodiversité et qui laisse de la place pour autre chose que les humains. »
Intéressé par la permaculture, il a construit un potager pour la première fois cette année. En visitant les lieux, il est possible de voir des plants de fruits et de légumes un peu partout en dehors du potager, de même que des abeilles, des bourdons et des papillons.
M. Lloubes constate par ailleurs que les terrains privés très entretenus n’attirent que peu ou pas d’insectes pollinisateurs. « Mon but n’est pas d’aller contre les gens qui ont un gazon bien tondu, mais s’ils mettaient juste une zone plus sauvage pour les insectes, ça serait intéressant. » Pour sa part, une pelouse stérile, mais bien tondue, ne l’intéresse toutefois pas.
La date de l’ultimatum donné par la Ville est le 7 octobre, le même jour que la prochaine séance du conseil, où il compte se rendre.