Dans leur décision rendue lundi, les juges Marie-France Bich, Manon Savard et Mark Schrager ont renversé partiellement la décision de leur collègue Suzanne Mireault, qui avait déclaré nul le contrat d’assurance entre M. Cousineau et son assureur Intact assurance. Les juges de seconde instance ont donné raison à l’appelant, qui demandait à ce que des enregistrements téléphoniques déposés tardivement en preuve et l’impliquant activement dans le sinistre ne soient pas considérés.
Propriétaire du 19, chemin Milton à Granby, M. Cousineau avait été approché par un certain Patrick Cyr, qui comptait occuper le bâtiment à vocation commerciale pour y exploiter un garage d’esthétique automobile dans lequel seraient aussi entreposées et vendues des motocyclettes.
Un bail verbal est conclu à compter du 1er décembre 2012. Conséquemment, M. Cousineau a modifié la police d’assurance du bâtiment et demande que l’édifice soit assuré pour sa valeur à neuf.
Selon le document de cour, M. Cousineau se présente sur les lieux le 13 juin 2013 parce que son locataire n’avait pas transféré le compte d’électricité à sa charge au début de son bail, comme convenu. De plus, le loyer de juin n’avait pas été acquitté à la date prévue.
Sur place, le propriétaire remarque que des barrures ont été installées pour empêcher l’accès au bâtiment, qui s’avère lourdement endommagé. Constatant que M. Cyr lui a menti sur ses activités, il communique avec le Service de police de Granby.
Le lendemain, alors qu’il effectue une perquisition sur les lieux, un enquêteur découvre les vestiges d’une plantation hydroponique. Les équipements servant à la culture de cannabis ne se trouvent plus sur place : Patrick Cyr a vraisemblablement déserté l’endroit.
L’analyse des empreintes digitales prélevées sur place révèle ensuite que le locataire s’appelle en fait Patrick Séguin, un individu criminalisé.
Réclamation et procédures
Devant l’ampleur des dégâts, M. Cousineau a déposé une réclamation auprès de sa compagnie d’assurances, qui a entrepris une enquête. Même si le policier ayant mené la perquisition avait indiqué que rien ne permettait de savoir si M. Cousineau était impliqué ou non dans les activités illicites ayant eu cours dans sa propriété, Intact a refusé de payer la réclamation de celui-ci, qui entame alors une poursuite de plusieurs centaines de milliers de dollars contre son assureur.
Le procès se déroule à l’automne 2016, soit plus de trois ans après le sinistre.
Plusieurs tentatives d’Intact pour amener à témoigner M. Séguin, lui-même l’objet d’une poursuite en garantie, échouent. Ce faisant, l’assureur a demandé — et obtenu — de déposer les enregistrements et transcriptions de cinq appels téléphoniques du témoin avec le cabinet d’avocats qui gère son dossier. Dans ces appels, M. Séguin allègue que M. Cousineau était bien au fait de la production de cannabis dans son bâtiment et qu’il était impliqué dans un stratagème visant à frauder les assurances.
C’est sur la base des déclarations de M. Séguin, qu’elle pondérait néanmoins en raison du fait qu’il est « un individu criminalisé ayant usé de faux-fuyants », et des incongruités qu’elle a relevées dans le témoignage de M. Cousineau que la juge Mireault « conclut que l’appelant connaissait les activités criminelles se déroulant dans son bâtiment et retient la prétention de l’intimée voulant que la police d’assurance soit nulle ab initio ».
La magistrate se disait convaincue que Séguin disait la vérité lorsqu’il a prétendu que M. Cousineau lui avait été présenté dans l’optique d’installer une plantation de cannabis dans son bâtiment et qu’il lui avait promis une rétribution puisée à même l’indemnité des assurances s’il demeurait « caché » pour un moment.
Prétentions « Hautement préjudiciables »
Comme les enregistrements comportent des prétentions « hautement préjudiciable[s] » pour M. Cousineau, les juges de la Cour d’appel sont d’avis que la juge Mireault n’aurait pas dû les admettre en preuve aussi tardivement dans le procès. Cela a eu pour effet de priver M. Cousineau et son avocat du droit de contre-interroger M. Séguin pour mettre ses déclarations à l’épreuve.
Celles-ci n’étaient d’ailleurs pas suffisamment fiables, puisque Séguin a lui-même semé le doute sur la véracité de ses propos au cours des conversations en déclarant qu’il ne disait « peut-être pas la vérité ». Il a également refusé de fournir une déclaration extrajudiciaire sous serment.
De plus, a souligné le tribunal, M. Séguin avait un intérêt à tenter d’impliquer l’appelant puisque le rejet de sa réclamation signifiait que la poursuite intentée contre lui tombe.
Étant donné que la défense d’Intact n’apportait pas d’autre preuve directe, la preuve déposée ne suffisait pas à conclure hors de tout doute que M. Cousineau avait quelque chose à voir avec la production de cannabis chez lui, a tranché le trio de juges, qui a renversé la nullité du contrat d’assurance.
Ils ont toutefois refusé d’accorder les dommages de 1 066 313,35 $ réclamés par M. Cousineau, lui octroyant plutôt la somme de 43 111,60 $ telle qu’évaluée par l’expert de l’assureur pour réparer à neuf les dommages subis par le sinistre, moins une franchise de 2500 $.
Éric Cousineau n’était pas disponible pour commenter le jugement.