Animaux sauvages: un projet pour prévenir les collisions sur l'autoroute 10

L'organisme Corridor appalachien planche sur un ambitieux projet visant à éviter des collisions routières et à favoriser de meilleurs déplacements fauniques aux abords de l'autoroute 10 entre Bromont et Magog.

En cette période automnale où les animaux sauvages sont sur le qui-vive, notamment en raison de la chasse, les collisions routières impliquant des véhicules se multiplient. L’Estrie ne fait pas exception. La portion de l’autoroute 10 entre Bromont et Magog est particulièrement meurtrière. Or, Corridor appalachien planche sur un ambitieux projet qui pourrait améliorer ce bilan en favorisant de meilleurs déplacements fauniques aux abords de cet important axe routier.


« On sait depuis longtemps que l’autoroute 10 constitue une grande barrière aux déplacements fauniques sur le territoire, a indiqué en entrevue Mélanie Lelièvre, directrice générale de Corridor appalachien. Il fallait donc agir pour trouver des solutions à ce problème plutôt complexe. »

De cette volonté d’agir est né le projet Corridors. En fait, l’idée a germé en 2011, en marge d’un colloque tenu à Québec. Les résultats d’une vaste initiative consistant à aménager une quarantaine de passages fauniques, permettant aux animaux de traverser sans danger la route 175, en périphérie du parc national de la Jacques-Cartier, sont ressortis parmi les points centraux de la rencontre. « Ça nous a donné des pistes concrètes sur la façon de développer un partenariat avec le ministère des Transports dans notre région », a mentionné Mme Lelièvre.



Secteurs prioritaires

En 2013, Corridor appalachien a approché le ministère des Transports du Québec (MTQ) afin de lancer le premier jalon du projet, mené également en partenariat avec les ministères de la Faune, de l’Environnement ainsi que les universités Concordia et Sherbrooke. Il s’agissait dans un premier temps d’identifier les principaux tracés naturels et les zones de collisions de part et d’autre de l’autoroute 10.

Les données colligées ont permis d’établir quatre secteurs prioritaires, situés entre les km 74 et 121 (voir carte). La première portion (zone A) est celle entre les monts Brome et Shefford, à proximité de Bromont. Le second (B) est situé entre Stukely-Sud et Saint-Étienne-de-Bolton. Le troisième (C) est le secteur d’Eastman. Le dernier (D) est près de Magog, entre les monts Orford et Chagnon.

On voit ici les quatre zones prioritaires (A,B,C,D) ciblées le long de l’autoroute 10 pour le projet Corridors.

Les statistiques de collisions entre des véhicules et les animaux sauvages dans ces secteurs névralgiques sont plutôt éloquentes. Selon le MTQ, entre 2014 et 2017, on a dénombré plus de 300 accidents impliquant des cerfs de Virginie dans le tronçon d’autoroute 10 entre la sortie 68 (Saint-Alphonse-de-Granby) et l’autoroute 610 à Sherbrooke. On a recensé une vingtaine de collisions dans ces mêmes secteurs avec des orignaux, des ours ou des caribous.

Coûts élevés

Combien coûte une collision (et ses effets collatéraux) avec un chevreuil, un orignal ou un ours au Québec ? Telle était la prémisse du mandat soumis par Corridor appalachien à des étudiants à la maîtrise en économie de l’Université de Sherbrooke.



Le groupe, formé de Bakary Diarra, Camille Cyr Séguin et Guillaume Dumais, chapeauté par la professeure titulaire du département d’économie, Jie He, a donc évalué les prix liés aux données suivantes : les blessures, les remorquages, les réparations matérielles, les décès, la disposition des carcasses animales ainsi que la perte de ces bêtes, mentionne le document de synthèse s’intitulant « Le coût économique des collisions avec la grande faune au Québec : le cas de l’autoroute 10 », daté du 31 août 2018.

Ainsi, la facture s’élève à 10 671 $ pour un cerf de Virginie. Celle-ci grimpe à 49 338 $ lorsqu’il s’agit d’un orignal ou d’un ours.

En mode action

Afin d’avoir un portrait plus précis de la situation concernant les collisions avec les animaux sur la portion ciblée de l’autoroute 10, les patrouilleurs du MTQ ont été formés dès 2015. « On leur a appris à identifier chaque espèce animale lorsqu’ils ramassent les carcasses en bordure de la route. Ils prennent désormais des relevés GPS pour localiser chaque individu », a fait valoir Mme Lelièvre.

Puis, en septembre 2016, de concert avec l’Université Concordia, une trentaine de caméras à déclenchement automatique ont été installées dans les zones prioritaires près des infrastructures routières, principalement souterraines. Le travail de recherche, ayant pour but de recenser les déplacements fauniques, s’est échelonné sur 18 mois. Des centaines de milliers de clichés d’animaux ont été pris au cours de cette période. « On croyait que certains endroits étaient propices aux passages fauniques, alors que ce n’était pas le cas », a indiqué la DG de Corridor appalachien.

Long terme

Du projet Corridors devrait émerger une série de recommandations d’aménagements et d’actions à poser pour faciliter les passages fauniques aux abords de l’autoroute 10. La construction de nouveaux ponceaux spécifiques à chaque espèce animale, traversant l’artère routière, figure parmi la panoplie d’options possibles. L’installation de clôtures pour « canaliser » les bêtes dans un secteur précis en est une autre. « Il y a beaucoup de choses à faire par rapport aux passages fauniques. Malheureusement, nous ne sommes pas dans un contexte de construction d’un réseau routier, comme ce fut le cas à Québec [NDLR : avec la route 175]. On va devoir se coller au calendrier de réfection d’infrastructures de l’autoroute 10 du MTQ pour apporter des correctifs », a soutenu Mme Lelièvre. Le tout pourrait s’échelonner sur près de 10 ans, a-t-elle ajouté.

Afin de mener à terme son ambitieux projet, dont le budget global est de 125 000 $, Corridor appalachien devrait déposer sous peu une demande de subvention de 33 000 $ sur deux ans à la Fondation de la Faune du Québec. Bromont a appuyé cette requête par voie de résolution lors de sa plus récente séance du conseil. De plus, la municipalité s’est engagée à participer à l’élaboration d’un plan d’action. « Cette somme servirait à 100 % à la mise en œuvre du projet de protection des corridors naturels avec les intervenants locaux dans les quatre zones prioritaires », a soutenu Corridor appalachien.