«Ça m'a tellement fait mal au coeur. Ça m'a virée à l'envers de voir qu'une jeune n'a pas eu les moyens de s'en sortir autrement, dit-elle. Je me sens coupable d'être encore impuissante devant ce fléau. C'est pour ça que je suis allée au cimetière samedi dernier voir la mère, pour sa fille, pour David, pour tous ceux que l'intimidation laisse sans voix.»
Ce n'est pas vrai que les écoles ne font rien pour en finir avec l'intimidation. C'est même tout le contraire. Il y a tellement d'activités, de conférences, de pièces de théâtre et d'événements de toutes sortes que des jeunes du secondaire lui disent qu'ils ne veulent plus en entendre parler. L'intimidation reste néanmoins ancrée dans les comportements non seulement à l'école, mais partout dans la société: dans les familles, dans les milieux de travail et même dans les milieux de garde.
«Pourquoi il y a encore trois ou quatre jeunes par classe qui se font intimider régulièrement? Les taux ne baissent pas», déplore Mme Lemieux. L'intervenante critique aussi que le plan d'action du Ministère pour contrer la violence, mis en place il y a trois ans, n'ait rien changé concrètement dans les écoles. «On n'en est qu'à la première étape: dresser le portrait des écoles. Dix-sept millions$ ont été investis dans ce plan-là et dans les écoles, il n'y a pas d'effet», relève-t-elle.
Recherche d'identité
Chez les filles, l'intimidation est plus souvent verbale. Ce sont des insultes: «la chienne, la charrue, la bitch». Des mots qu'on entend régulièrement dans les écoles. L'intimidation est souvent indirecte. «C'est faire partir des rumeurs ou utiliser les médias sociaux pour dire: si tu parles à une fille en particulier, je ne te parle plus. C'est de se faire rejeter, ne jamais se faire choisir dans les équipes. Il y en a qui disent: j'aimerais mieux avoir reçu un coup de poing que de vivre ça», indique-t-elle.
Chez les gars, l'intimidation est plus souvent physique. Et elle dure moins longtemps.
«Le pic de la violence, on l'observe chez les jeunes de 11 à 14 ans. C'est la période où ils sont en recherche d'identité, de modèles», relate-t-elle.
Dix pour cent des jeunes de 14 à 18 ans vivent une dépression sévère, note Mme Lemieux, qui est aussi étudiante au doctorat à l'Université Laval. «C'est beaucoup, c'est énorme», fait-elle valoir. «Le jeune dont la souffrance n'a pas été dépistée va se geler la face ou devenir très agressif. Derrière les intimidateurs et les intimidés se cachent beaucoup de souffrance et de détresse. La colère naît de la frustration et vient des besoins auxquels on n'a pas répondu», fait-elle valoir.
Comment les parents peuvent-ils deviner que leur enfant est victime d'intimidation? «Il a mal au ventre, ne veut plus aller à l'école, a perdu de l'intérêt, veut décrocher», énumère-t-elle. «S'il ne veut pas en parler, demandez à ses amis ou aux jeunes qui prennent l'autobus avec lui. À l'adolescence, faire partie de la gang est la chose la plus importante du monde. Les jeunes qui sont isolés, seuls ou timides sont des élèves à risque d'intimidation ou de harcèlement. Ils sont vulnérables», fait-elle valoir.
Les enfants différents, les filles qui ont une très faible estime d'elles-mêmes, et chez les plus jeunes les élèves aux prises avec des problèmes de langage sont plus sujets à l'intimidation.
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