Le golf à la croisée des chemins

Joueurs vieillissants, relève peu nombreuse, concurrence féroce. Les clubs de golf vivent des saisons difficiles.

C'est indéniable... L'industrie du golf a déjà connu de meilleures années.


«La situation de l'industrie du golf ne s'améliore pas», résume le pro de golf au Royal Bromont, Stéphane Bélanger. «La clientèle de jeunes ne se renouvelle pas au même rythme qu'il y a quelques années. Il y autant de joueurs au Québec qu'avant, mais les gens ont moins le temps de jouer», dit-il.

Une bonne partie de la clientèle du Royal Bromont, un club de golf quatre étoiles, vient de la région de Montréal. «Je me souviens, il y a 20 ans, les gens venaient passer le week-end chez nous, mais maintenant ils ont de la misère à venir jouer autant», dit-il.



«On a des membres corporatifs auxquels on offre dix droits de jeu valides pour la saison et qui ont de la misère à les utiliser», remarque-t-il.

Dans beaucoup de clubs contactés par La Voix de l'Est, on assiste à une baisse marquée du nombre de membres. Les adeptes ont plus tendance à passer d'un terrain à l'autre, au gré de leurs envies, ou alléchés par des forfaits plus intéressants les uns que les autres. Le Royal Bromont «se maintient très bien» avec 300 membres, fait valoir Stéphane Bélanger. Mais il en a déjà eu 100 de plus.

Au Club de golf de Cowansville, on compte 330 membres, toutes catégories confondues, ce qui comprend les juniors, les étudiants et les cartes de membres donnant accès aux verts après 15h ou après 16h qui sont moins coûteuses. Ils ont déjà été 400.

«Il n'y a pas une grosse diminution de clientèle, mais les habitudes de golf ont changé. Il y a une baisse marquée du nombre de membres. La population vieillit. L'âge moyen des membres a augmenté à 61, 62 ans», indique la directrice administrative du Club de golf de Cowansville, Isabelle Côté.



La moyenne serait encore plus élevée si le club n'offrait pas des cartes de membres «très abordables» aux jeunes de la génération «y», c'est-à-dire aux 40 ans et moins, indique-t-elle. «En haute saison, il n'y a pas de problème. Quand il fait beau, c'est plein. C'est au printemps et à l'automne qu'il y a moins de monde», note-t-elle.

Lorsqu'ils ont moins de membres, les clubs de golf sont beaucoup plus vulnérables lors des étés moches, pluvieux, où la clientèle se fait plus rare, comme ce fut le cas au printemps dernier.

Guerre de prix

Pour s'arracher les golfeurs, les clubs se livrent une guerre de prix.

«Au cours des quatre dernières années, on n'a jamais été capables d'augmenter nos prix. Toutes nos dépenses augmentent, les taxes, les salaires. Avec la guerre de prix, on n'est pas capables de suivre l'inflation. On peut jouer au golf à des prix qu'on payait dans les années 90», note Stéphane Morin du Club de golf le Rocher de Roxton Pond.

«Une partie de golf sans taxes coûtait entre 30 $ et 50 $. Aujourd'hui, on obtient parfois le même prix en incluant le kart, observe-t-il. Actuellement, les consommateurs ne recherchent pas la qualité, ils veulent un prix.»



En 2009, le Golf Château-Bromont avait offert une passe de saison cinq jours - valide la semaine seulement - à 299 $, du jamais vu, qui a augmenté depuis à 499 $.

«Dans notre secteur, il y a beaucoup de terrains de golf par rapport à la population locale. Dans un rayon de 25 à 30 km, il y a environ 30 terrains. La tarte est très divisée. Ça crée une guerre de prix. Il y a ceux qui suivent la parade et s'en sortent assez bien. Et ceux qui restent indépendants qui vont en arracher un peu plus», estime Stéphane Morin.

Comme c'est le cas dans l'industrie du ski alpin, des clubs de golf offrent des cartes de membres à tarifs réduits pour les gens qui se présentent sur les verts après 15h ou après 16h. Pour jouer tous les jours après 16h, il en coûte 150 $ au Golf le Rocher de Roxton Pond, c'est dix fois moins que le prix de la carte qui permet de jouer en tout temps. Il y a deux ans, M. Morin avait lancé une promotion pour le début du printemps: le tarif demandé équivalait à la température. «J'ai refusé des gens, je ne sais pas combien!», rappelle-t-il.

Stéphane Bélanger, du Royal Bromont, s'attend à ce qu'il y ait de plus en plus de propriétaires de clubs en difficulté qui demandent un changement de zonage, pour que le terrain accueille non pas un golf, mais un développement immobilier, beaucoup plus lucratif. Une situation qui s'est d'ailleurs produite ailleurs au Québec.

Les jeunes

Dans certains clubs, on mise sur les jeunes qui peuvent jouer au golf gratuitement en compagnie d'un adulte ou à très bas prix. Des élèves des écoles primaires, de la troisième à la sixième année, s'initient au golf au Club le Rocher de Roxton, dans le cadre d'activités parascolaires offertes à leur école. Quand ils se retrouvent sur les verts le week-end, avec un parent ou un grand-parent, ils ne paient pas.

Christine Reddy, du Club de golf les Rochers bleus de Sutton, rêve d'attirer les élèves de l'école primaire pour leurs cours d'éducation physique. L'été dernier, le club de golf proposait un camp de jour aux jeunes du primaire à 115 $. «Il y a plein d'initiatives pour aller chercher la relève, mais ce n'est pas évident, dit-elle. Depuis deux ans, ça va bien.»

Le club s'en tire «relativement bien» grâce à des forfaits qu'il offre à son auberge de 22 chambres directement sur le site, précise-t-elle.