«Au départ, on ne pouvait y construire que des résidences unifamiliales, qui répondent à des critères très pointus, indique Madeleine Ferland, qui habite la rue avec son conjoint Paul St-Pierre depuis 2001. Les plans devaient être préapprouvés par la Ville. Et tout d'un coup, tous ces critères que les gens ont dû suivre, tous ces investissements qu'ils ont dû faire, tout ça tombe à l'eau avec cet avis public. C'est malheureux. C'est comme changer un contrat en cours de route.»
Si certains s'inquiètent de voir la valeur de leur résidence descendre si des jumelés poussent à côté de leur demeure, d'autres s'en font pour le manque d'uniformité que cela créera dans le quartier.
«Des maisons jumelées, ça ne convient pas du tout ici, affirme Michel Ouellet, qui vit dans la rue depuis 2001 et sur un terrain en bordure du lac depuis trois ans. En plus, on nous dit que ça sera des maisons modernes, que ça va être comme au Quartier 10-30 à Brossard. Ça ne correspond pas du tout à l'architecture qu'il y a présentement sur la rue, qui a un style beaucoup plus campagne.»
Marlène Bédard et Louis Desruisseaux, eux, viennent tout juste de construire une résidence qu'ils habitent les week-ends pour s'éloigner de Montréal où ils travaillent, et ce changement de zonage pourrait leur faire regretter leur choix.
«On achève de s'installer et on a vraiment choisi le quartier où on voulait être, raconte M. Desruisseaux. C'est certain que si on m'avait dit qu'on allait permettre les jumelés sur la rue, ça ne m'aurait pas intéressé comme quartier, surtout qu'il y a un terrain vacant juste à côté de ma maison.»
Sa conjointe déplore fortement que les règles du jeu ne soient plus les mêmes pour les futurs acheteurs. «Quand on magasinait, on avait regardé pour un terrain sur le bord de l'eau, mais il se vendait 150 000$ et nous étions obligés d'y construire une maison d'au moins 300 000$, dit-elle. On a donc choisi un terrain moins dispendieux de l'autre côté de la rue. Mais aujourd'hui, le même terrain qu'on avait regardé se vend 75 000$ et les jumelés vont être permis. C'est enrageant pour nous.»
Seulement quatre, promet le maire
Bien qu'il comprenne les appréhensions des résidants du secteur, le maire de Cowansville, Arthur Fauteux, leur demande d'attendre de voir les plans du projet avant de s'emporter. Il y aura d'ailleurs une consultation publique ce mercredi à 15h, et le développement y sera présenté en détail.
«On parle d'un projet de quatre jumelés (pour un total, donc, de huit unités d'habitation) haut de gamme, fait valoir le maire. Je comprends que les gens s'inquiètent, c'est sûr que le terme "jumelé" peut créer certains frissons, mais c'est un très beau projet. J'étais le premier à ne pas vouloir de jumelés là, mais quand j'ai vu le projet qui nous a été présenté par les promoteurs, j'ai été convaincu. Chacune des unités aura une valeur d'environ 350 000$ à 375 000$.»
Le maire précise que les habitations seront de style très contemporain, mais il assure que tout cela cadrera très bien avec les bâtiments déjà existants. «C'est sûr que c'est différent, mais ça a vraiment un caractère très haut de gamme et ça va apporter une belle diversification dans le secteur. Ça vaut la peine que les gens viennent voir», répète-t-il.
Et bien que le changement de zonage s'applique à l'ensemble de la rue, il promet que seul ces quatre jumelés, qui seront situés côte à côte tout près de la rue Hillcrest, dans la portion de la rue qui n'est pas asphaltée, seront permis.
«Les promoteurs ont acheté la balance des terrains vacants (soit 11 terrains), et ils auraient souhaité plus de jumelés, mais nous les avons limités à quatre, sur des terrains l'un à la suite de l'autre, explique M. Fauteux. Il y aura un protocole d'entente à cet effet et ils ne pourront pas en faire d'autres. On va expliquer tous ces tenants et aboutissants à l'assemblée publique de mercredi.»
Pas l'intention de changer de position
Plusieurs des résidants assurent qu'ils seront présents, mais ils n'ont pas l'intention de changer leur position contre les jumelés.
«Tant qu'à faire des semi-détachés haut de gamme, il devrait à la place permettre des maisons unifamiliales un peu moins haut de gamme, soutient Mme Ferland. Avec un terrain à environ 80 000$ et une maison à 150 000$, ça ne fait que 230 000$. C'est quand même abordable. La Ville manque vraiment de vision. Dans toutes les municipalités, tel secteur est pour un type d'habitation, tel autre est pour un autre type. Mais là, ce n'est plus ça ici. On dirait que la Ville procède à une vente de feu.»
«Je me demande tout le temps pourquoi ça presse tant que ça», ajoute son conjoint, M. St-Pierre.
Après l'assemblée de consultation publique, le projet de règlement sera soumis à la tenue d'un registre et éventuellement, s'il y a lieu, à un processus référendaire.