Procès du cartel de Bedford : six accusés coupables

Werner Kyling

Cette fois-ci, Werner Kyling ne s'en est pas sorti. Pour une rare fois depuis 40 ans, l'ex-braqueur de banque reconverti en mariculteur n'a pas échappé aux griffes de la justice. Au terme d'un procès de cinq mois, le riche vendeur de copeaux de bois a été reconnu coupable, hier, de cinq des 13 chefs d'accusation qui pesaient contre lui, dont production et trafic de marijuana, complot et gangstérisme.


Cinq des sept autres personnes accusées d'avoir participé à un réseau de trafic de cannabis dans la région de Bedford et de Saint-Armand ont aussi été reconnues coupables par le jury: la fille de M. Kyling, Anne-Lise, son gendre Benoît Gagnon, ainsi que Martin Castilloux, Gilles Couture et Brian Bordo. L'épouse de M. Kyling, Marthe Vandervalk, et son fils Rudy Kyling ont pour leur part été acquittés.

Le procureur en chef, Me Denis Gallant, reconnaît que la preuve était «plus circonstancielle» pour ces deux derniers accusés. Les membres du jury réunis au palais de justice de Sherbrooke, cinq femmes et sept hommes, ont vraisemblablement eu «un doute raisonnable» à leur sujet. La plupart des accusations sont aussi tombées pour Anne-Lise Kyling, qui n'a été reconnue coupable que de trafic.

«Un travail remarquable»

L'avocat s'est néanmoins dit très satisfait des verdicts rendus à 10h30, hier. «Les accusés les plus impliqués ont été reconnus coupables», affirme Me Gallant. Compte tenu de la preuve et de la longueur du procès (cinq mois), il estime que le jury a fait «un travail remarquable, consciencieux» en rendant 49 verdicts après une semaine de délibérations.

Le procureur en chef entend demander des « peines importantes » pour les coupables, sauf pour Mme Kyling. « Je ne vois rien en bas de cinq ou six ans (de prison, pour les autres) », a-t-il indiqué à la télé de Radio-Canada.

Toujours à la télévision d'État, Werner Kyling a affirmé être heureux d'avoir été acquitté « de 75 % des charges » qui pesaient contre lui. « Mais j'ai de la difficulté à accepter le verdict pour l'accusation de gangstérisme », a dit l'homme de 68 ans dans la langue de Shakespeare. Il a ajouté qu'il en appellera des verdicts dont il est reconnu coupable.

Sans émotion, les six condamnés ont ensuite pris le chemin des cellules. Me Gallant a en effet fait une requête en ce sens, qui a été acceptée par le juge de la Cour supérieure Yves Tardif. Celui-ci a convenu que de relâcher les coupables nuirait, entre autres, à l'image de la justice.

Les parties doivent maintenant se revoir en cour mercredi prochain afin de fixer une date pour les plaidoiries sur la peine et l'audition des requêtes pendantes. Werner Kyling a en effet déposé une requête en arrêt des procédures en cours de procès, une parmi tant d'autres. Si elle est accueillie, tant le procès que les verdicts pourraient être annulés. Une source judiciaire a cependant indiqué à La Voix de l'Est qu'il y a peu de chances que cette requête soit acceptée.

Appels

Du côté de la défense, on dit qu'il y aura sûrement des appels. « On analyse ça de façon sérieuse », indique Me Richard Prihoda, l'avocat de Benoît Gagnon.

Me Prihoda s'est dit « un peu satisfait et un peu déçu » des verdicts. « Mon client et M. Kyling ont été trouvés coupables de gangstérisme, je ne m'attendais pas à ça. Mais mon client a été acquitté de deux chefs. » Il estime aussi que le jury « n'a pas adopté la théorie de la Couronne sur les plus gros points » du procès.

L'avocat de Martin Castilloux, Me Jean-Marc Bénard, n'a pas répondu aux appels de La Voix de l'Est. Les autres accusés se représentaient seuls.

Tous avaient été arrêtés en juin 2005 au terme du projet Cure, une vaste opération policière visant le trafic de marijuana dans le sud de la région de Brome-Missisquoi. Les agents de la SQ, la GRC et des États-Unis avaient alors saisi 7500 plants de marijuana et des biens, dont un hélicoptère et des armes à feu, pour une valeur de près de cinq millions.

Selon la police, le « cartel de Bedford » produisait et vendait plus de 1000 kg de marijuana par année, entre autres aux États-Unis. Selon la Couronne, MM. Bordo, Castilloux et Couture travaillaient aux champs pendant que M. Kyling et sa famille géraient les opérations.

Il s'agissait du plus long procès à s'être tenu dans le district judiciaire de Saint-François (Sherbrooke).

Abonnez-vous à La Voix de l'Est