Les élèves du secondaire et du cégep utilisent en effet régulièrement ces appareils pour texter des messages instantanés, aller sur le site Facebook, écouter leur musique, s'appeler, prendre des photos et voir des vidéos sur le site YouTube.
«Facebook, j'y vais 40 fois par jour. Je suis tout le temps là-dessus, en fait», dit le jeune Guillaume, élève de J.-H.-Leclerc, à Granby. À ses côtés, sa petite amie acquiesce avec de grands signes de tête.
«Même quand je me lève la nuit pour aller aux toilettes, je regarde mon cell. pour voir si quelqu'un m'a écrit», confie Gaby*, aussi étudiante à J.-H.-Leclerc. Pourquoi? «Ben, peut-être qu'une amie peut avoir besoin d'aide, une urgence, je ne sais pas», dit-elle en riant, tout en admettant une certaine dépendance envers son appareil. «Je n'écoute presque plus la TV», ajoute-t-elle, sous le regard acquiescent de ses amies.
La situation semble similaire au cégep de Granby. Lors de sa visite au café étudiant, La Voix de l'Est a d'ailleurs interrogé des amies, qui discutaient avec une autre étudiante, qui était à la maison, via l'application Facetime installée sur un iPod Touch. «On peut s'appeler, comme ça, avec nos adresses e-mail», explique Nika Choquette, qui a reçu cet appareil à Noël. «Ça fait tout!», ajoute-t-elle. En plus d'internet, de la musique, de la photo et de la vidéo, «il y a un calendrier où tu peux avoir ton horaire, une alarme pour aller chez le dentiste», dit-elle.
«Avec la caméra, tu peux montrer à la personne qui est en ligne qui est autour de toi», dit l'étudiante en sciences humaines, en promenant l'appareil dans la pièce.
«C'est encore nouveau. On en profite», interrompt Élissa Malo, qui participe virtuellement à l'entrevue. «Il y a beaucoup d'applications niaiseuses, mais tout le monde va sur Facebook», poursuit son amie (présente sur place), Mélodie Levasseur.
Sont-elles dépendantes? «Mets-en!, réplique Nika Choquette. C'est vraiment maladif», dit-elle, avouant qu'elle visitait constamment son compte Facebook. «Tu as ta vie là-dessus», ajoute Mélodie, qui affirme toutefois, pour sa part, ne pas avoir de problème à s'en passer en vacances.
Pourquoi cette compulsion? «C'est comme si on n'était plus capables d'être seules avec nous-mêmes, pour réfléchir», analyse Nika Choquette. «Ça change les relations, poursuit Mélodie. On a beaucoup d'amis...» «Mais pas de vrais (véritables)», coupe Nika. «C'est pas bon...», termine celle-ci.
Public cible
«La pub vise beaucoup les jeunes», analyse M. Camaraire.
Professeure d'Éthique et culture religieuse à l'école secondaire J.-H.-Leclerc, Claire Bergeron abonde dans le même sens. «Ils en ont à peu près tous, dit-elle. Ça commence à ressembler à une norme sociale.» Selon l'enseignante, les jeunes du secondaire vivent «une pression énorme» qui les amène à consommer ce type d'appareils de communication mobiles. «Les annonces s'adressent à eux avec des tu, et on propose des téléphones sans contrat. Les jeunes sont de grands consommateurs et ils ont le goût de posséder ces bébelles-là.»
Les écoles secondaires tentent tant bien que mal d'encadrer l'usage de ces appareils dans leurs murs. J.-H.-Leclerc, à Granby, et Mgr-Euclide-Théberge, notamment, en ont interdit l'usage. Les directions veulent remplir leur mission de socialiser, mais aussi éviter la cyberintimidation, qui peut avoir des effets dévastateurs (voir autre texte).
«L'un des mandats de l'école, c'est de socialiser, dit M. Camaraire. Et on ne le remplit pas si on permet à des jeunes de s'isoler dans la cour d'école, derrière un écran, pour texter ou jouer à des jeux.»
Règles contournées
Force est de constater que plusieurs élèves contournent les règles. «Mon cell, je l'ai toujours avec moi, explique Gaby* une élève de 16 ans de J.-H.-Leclerc, rencontrée sur l'heure du dîner, près du Couche-Tard, à proximité de l'école. Je le mets dans mes bottes (longues), puis, quand ça vibre, je m'assois comme ça (une jambe remontée sur l'autre genou), puis je regarde et personne ne le voit», confie-t-elle en riant.
«C'est trippant les iPod Touch! Quand tu n'es pas dans un cours, tu peux jouer dessus, mais il ne faut pas que tu te fasses pogner», dit Yannick*, un étudiant de J.-H.-Leclerc.
Lorsqu'ils se font prendre, les élèves de cette école se voient confisquer leur appareil pour 24 heures. «Il y a des filles qui pleurent et qui se garrochent à la direction de l'école pour qu'on leur remette. On dirait que toute leur vie est là-dessus», s'inquiète Claire Bergeron.
Les enseignants d'ECR ont d'ailleurs lancé un «défi extrême» à leurs élèves, leur demandant de ne pas utiliser leurs appareils pendant trois jours. «Plusieurs n'ont pas été capables et ont abandonné», dit-elle, précisant qu'un bon nombre ont constaté, dans cet exercice, qu'ils dormaient plus sans ces technologies, faisaient plus leurs devoirs et voyaient davantage leur famille et amis.
L'enseignante croit que les cas de cyberdépendance «non fonctionnels sont fréquents et en augmentation». «Les garçons, c'est plus les jeux de rôle en ligne. Ils sont sur les jeux la nuit, vivent dans un monde parallèle. C'est obsessionnel. Et ils dorment sur le bureau en classe», dit-elle.
Les filles dépendent plus de Facebook et des textos, selon l'enseignante, pour «les potins et les amis».
Échecs scolaires et tricheries
Et les impacts sont énormes sur le rendement scolaire, croit Mme Bergeron. «J'ai 32 % d'échecs pour les travaux non remis et les travaux en retard», dit-elle.
Malgré les règlements et la surveillance des professeurs, certains élèves du secondaire arrivent à tricher lors d'examens. «On se texte des réponses», dit Bianca, rencontrée lors de la pause du dîner, avec une dizaine d'autres étudiants de J.-H.-Leclerc, devant l'établissement. «Moi, je suis une bolle (dans le programme) Monde contemporain. J'ai texté les réponses des examens à mes amis», dit-elle, ajoutant que ceux-ci les ont textées aux leurs et ainsi de suite. «Il y a beaucoup de monde qui se checkquent les genoux dans les cours!», lance à la blague une autre élève du même groupe.
La tricherie est difficile à contrôler, croit M. Camaire. «Les jeunes sont très habiles avec leurs appareils. Ils n'ont pas besoin de regarder leur clavier pour texter», dit-il. Ils peuvent le faire d'une main, sous le bureau.
Au cégep, les conséquences sont sérieuses. «Si tu te fais prendre avec ton cell à un examen, tu coules automatiquement», souligne Nika Choquette.
Pas d'adresse courriel
Certains jeunes sont toutefois peu intéressés par ces technologies de communication. Annick* ne répond pas toujours aux textos envoyés par ses amis. «Si c'est important, je réponds. Je ne l'utilise pas souvent (son cellulaire)», dit l'élève de J.-H.-Leclerc. «Moi, je n'ai pas de cell, pas rien», dit un autre élève de cette école, qui fait figure d'exception dans son cercle d'amis.
D'autres jeunes sont carrément débranchés. «J'ai certains étudiants (de cégep) qui n'ont même pas d'adresse courriel», dit Katherine Breton, conseillère en adaptation scolaire au cégep de Granby. Cette dernière affirme de même n'avoir eu que trois cas de cyberdépendance sérieuse en deux ans. «Mais, c'est certain qu'ils ne viennent pas tous nous voir», dit-elle.
Par l'éducation et la sensibilisation, M. Camaraire souhaite amener les jeunes à faire une «utilisation éthique» de ces appareils, en se respectant eux-mêmes et en respectant les autres. Mais la solution parfaite n'a pas été trouvée. «Dans chaque école, on se penche sur la question et on s'en parle souvent. On a beaucoup, beaucoup de discussions là-dessus», confie-t-il.
* Tous les prénoms des élèves du secondaire sont fictifs.