«Les gens me disent que je suis folle de faire ça. J'ai déjà voulu poser des petits rideaux dans ma voiture, parce que j'y passais plus de temps qu'à la maison!», lance à la blague Guylaine Allard. Les allers-retours Granby-Montréal grugent près de trois heures et demie de son temps par jour depuis sept ans. Sans faux-fuyant, celle qui oeuvre pour l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux avoue que c'est uniquement la qualité de son emploi qui l'incite à continuer. «J'ai un bon travail; c'est ce qui me motive.»
Même si elle n'est pas une lève-tôt, Mme Allard doit s'extirper du lit à 6h. Vers 7h15, elle est sur l'autoroute, pour ne revenir souvent qu'à 19h le soir. «Les premières années, ça se faisait mieux. Mais c'est de plus en plus difficile à cause des travaux routiers qu'il y a partout», constate-t-elle. D'ailleurs, la dame ne franchit plus le pont Champlain derrière le volant. Elle gare maintenant sa voiture au stationnement incitatif Chevrier/Brossard pour rejoindre le centre-ville en transport en commun. «Ensuite, je marche jusqu'au bureau. Ça me fait faire un peu d'exercice.»
Guylaine Allard avoue que les journées sont longues. «Personnellement, je trouve ça très difficile, physiquement et moralement. Le week-end, on essaie de bouger et de sortir un peu. Oui, j'ai le blues du dimanche, mais pas à cause du travail, à cause du déplacement.»
Et comme chaque automne, elle appréhende la venue de la saison froide. «Je n'aime pas conduire l'hiver. Mais quand on annonce du mauvais temps, je ne me risque plus autant qu'avant. Je travaille de la maison.»
Et la famille dans tout cela? «Ça prend un conjoint qui collabore beaucoup, sinon on ne s'en sort pas», dit-elle. Quand on sait que la dame est à la tête d'une famille recomposée de cinq enfants, on comprend! Maintenant qu'ils sont plus grands, l'idée de se rapprocher un jour de Montréal est parfois envisagée, mais ils aiment tellement Granby qu'on en doute un peu.
«Mais je ne sais pas si je vais pouvoir faire ça encore des années...»
Se faire une raison
Benoît Leroux vit la même réalité depuis maintenant quatre ans. Pour obtenir le poste qu'il convoitait dans le domaine des communications, il a été obligé de se tourner vers la métropole. Mais pas question de déménager; sa conjointe et ses filles étaient trop solidement enracinées à Shefford.
Il lui a suffi d'à peine un mois pour se rendre compte qu'atteindre le centre-ville en voiture «n'avait pas d'allure». «Quand ça roule bien, c'est formidable, mais s'il y a un bouchon, ça m'enrage de perdre mon temps. Mais je me fais une raison», dit-il, en déplorant le «manque de vision» du gouvernement pour améliorer la traversée du pont Champlain. «Et s'il accordait des réductions d'impôts aux particuliers sur l'essence, ce serait un peu plus rentable pour nous...»
Pour atténuer les inconvénients liés au trafic, il a rapidement, lui aussi, pris l'habitude de se stationner à Brossard et de passer le pont en autobus.
Résultat: quand même beaucoup de temps passé sur la route. «Vous me demandez si j'y vois des avantages? Aucun. La satisfaction, je vais la chercher dans mon travail, laisse tomber M. Leroux sans détour. Et aussi en vivant à Shefford, en harmonie avec la nature, ajoute-t-il.
Depuis quatre ans, ses journées débutent à 6h et se terminent généralement vers 17h. Une heure raisonnable qui lui laisse au moins le temps de voir ses proches et de participer au train-train familial.
En route vers l'aéroport
Pilote de ligne chez Air Transat, Daniel Brisebois vit à Bromont depuis six ans. Il a fait le choix de parcourir en voiture une dizaine de fois par mois le trajet qui le sépare de l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau. «Montréal est une ville de fous. Je préfère être en campagne», glisse-t-il. Avec tous les inconvénients que cela comporte, à commencer par le stress d'arriver à l'heure pour ses vols.
Même s'il s'accorde un bon délai, les retards sont toujours possibles, surtout en hiver. «L'autoroute 10 est traître, en raison des vents traversiers, note-t-il. Et puis, la moindre affaire a des conséquences sur le trafic. Même les changements de vitesse causent des ralentissements.»
Pour tuer le temps à bord de son véhicule, il sirote du café, écoute de la musique et en profite pour placoter avec sa mère, qui réside à Laval. «Ce temps-là me permet aussi de me mettre dans un état de préparation mentale pour les vols», dit M. Brisebois.
Lorsqu'il doit prendre les commandes d'un vol matinal, il n'est pas rare qu'il quitte Bromont aussi tôt qu'à 4h30. Le saut du lit est alors réglé à 3h30! Dans ce cas, il est souvent de retour à Montréal vers 17 h.. en pleine heure de pointe. Pas moyen de s'en sauver!
«Heureusement, je n'ai pas à subir ça trop souvent. C'est ma petite punition pour avoir la chance de profiter d'une belle vie à la campagne. Je vais le faire tant que j'aurai cet emploi.»