Profession: chauffeur de charrue

La cohabitation entre chasse-neige et automobiles n'est pas évidente, mais elle est essentielle pour assurer la sécurité sur les routes.

automobilistes s'impatientent, cherchent une façon de les dépasser au plus vite. Lorsqu'ils les croisent, les conducteurs serrent les dents et leur volant, craignant un contact qui pourrait être lourd de conséquences. La cohabitation entre chasse-neige et voitures n'est pas toujours évidente, mais elle est essentielle pour assurer la sécurité sur les routes. Regard sur un métier mal aimé, méconnu et risqué.


Alain Côté a 51 ans. Il se plaît tout de même à dire qu'il est opérateur de chasse-neige depuis 40 ans. Et il ne s'agit même pas d'un mensonge.

 



«C'est mon père qui ouvrait les chemins à Ange-Gardien quand j'étais jeune, se souvient l'homme, sortant à peine de la bretelle d'accès vers l'autoroute 10. Je l'accompagnais chaque fois que je le pouvais. Il m'a même souvent laissé conduire le chasse-neige pour finir le travail au bout des rangs.»

Au volant de son mastodonte roulant, Alain Côté sillonne les routes de la région chaque fois que la météo le commande. Qu'il neige à plein ciel, qu'il tombe de la pluie verglaçante, qu'il vente à écorner les boeufs, Alain et ses collègues de chez Ostiguy et Robert de Saint-Césaire sont fidèles au poste.

«La météo, ça ne m'a jamais stressé, affirme-t-il, alors qu'il roule en direction ouest sur la 10. Même que le temps où je préfère travailler, c'est lorsqu'il y a une grosse bordée de neige. Là, c'est pas compliqué, on baisse les lames et on avance dans la neige.»

Métier risqué



Si les conditions de la route ne l'effraient pas le moins du monde, il en est tout autrement pour les autres véhicules qui empruntent la route au même moment que lui.

«À chaque fois que je prends la route au volant de mon chasse-neige, je dois éviter trois ou quatre accidents, dit-il. Les gens ne sont pas conscients du danger qu'ils courent lorsqu'ils essaient de nous dépasser à tout prix. Souvent, ils sont forcés de ralentir devant nous parce qu'ils se rendent compte que la visibilité est nulle et que la chaussée est enneigée.»

«Pour gagner 30 secondes, ils sont prêts à mettre leur vie en danger.»

Les automobilistes ont aussi souvent tendance à rendre le travail des chauffeurs de chasse-neige plus difficile.

«On ne nous donne pas souvent de chances, reprend Alain Côté. Quand vient le temps de changer de voie ou de faire demi-tour dans une voie réservée, tout le monde est trop pressé pour nous laisser passer.»

Vers 5h, un matin de l'hiver dernier, le camion de M. Côté a même été heurté de plein fouet par une voiture qui le suivait.



«Le gars m'est rentré dedans sans ralentir. Ça a donné tout un coup. Il devait rouler vite en maudit, parce qu'il s'est ramassé de l'autre côté de l'autoroute. Heureusement, il s'en est tiré. Il a dit qu'il ne m'avait jamais vu, pourtant, je suis dur à manquer.»

400 km de routes

L'entreprise pour laquelle Alain Côté travaille, Ostiguy et Robert, a la tâche d'entretenir plus de 400 km de routes dans la région, comprenant l'autoroute 10 entre les kilomètres 26 et 68, les routes 227, 231, 104, 235, des rangs de campagne, des routes rurales et quelques municipalités. La flotte de camions d'Ostiguy et Robert compte quinze véhicules et parfois, jusqu'à cinq d'entre eux tournent en boucle sur l'autoroute 10, lors des grosses tempêtes.

«Je peux nettoyer la même portion de route 15 ou 20 fois dans une journée. Au début, on peut enlever la neige de la route, ensuite, nettoyer les accotements ou faire une passe de sel. On modifie nos stratégies en fonction de ce que l'on observe sur la route. Avec le temps, on finit par bien lire les conditions de la route et à bien y réagir. Le plus difficile à évaluer, c'est la poudrerie. Il faut savoir quand la laisser aller et quand y mettre du sel.»

Le travail d'opérateur de chasse-neige demande une concentration constante. Les yeux du chauffeur vont et viennent sans arrêt d'un miroir à l'autre, s'arrêtant quelques instants sur les commandes du système hydraulique servant à abaisser les lames de la déneigeuse, sur les compteurs électroniques servant à déterminer la quantité d'abrasif à étendre sur chaque kilomètre de route.

Disponibilité

À une certaine époque, les opérateurs de chasse-neige pouvaient travailler pendant quelques jours sans arrêter, lorsque la météo le commandait.

«J'ai déjà passé 35heures sans arrêt derrière le volant de mon chasse-neige, se souvient Alain Côté. On ne fait plus ça maintenant. Par souci de sécurité, nos quarts de travail ne dépassent pas 12heures.»



Les déneigeurs doivent faire preuve d'une grande disponibilité. Ils peuvent être appelés au travail à toute heure du jour ou de la nuit.

«Moi, ça ne me dérange pas du tout. J'adore faire ce métier. C'est évident que c'est moins facile pour nos conjointes. Mais avec le temps, elles finissent par s'y habituer.»

Même s'il est toujours aussi heureux lorsqu'il prend les commandes de son mastodonte, Alain Côté commence à entrevoir la possibilité de prendre une retraite paisible.

«Dans une couple d'années, c'est sûr, dit-il. C'est bon que je le dise à tout le monde, comme ça, ma femme va enfin commencer à me croire.»