Dans une petite pièce du centre communautaire St-Benoît, à Granby, une demi-douzaine de personnes sont rassemblées. Contrairement à l'image qui colle souvent à ceux et celles qui souffrent de troubles alimentaires, la plupart des participants sont minces. Assis autour d'une longue table, ils prennent tour à tour la parole et livrent des témoignages troublants sur les conséquences que la nourriture a sur leur vie.
«Cet après-midi, je suis allé manger du fast food chez Ben, même si je n'aime pas ça. Je me sens mal et je suis tannée de me battre», lance avec frustration une dame dans la cinquantaine. «Je ne cherche pas à perdre du poids, je veux seulement trouver la paix», ajoute-t-elle.
«On a mal en dedans et on mange pour calmer ce mal, explique une autre dame. Mais quand ça ne réussit plus à calmer le mal, on réalise qu'il y a vraiment un problème. C'est une maladie d'émotions.»
Si la nourriture vient apaiser la détresse pendant un temps, elle devient rapidement une partie du problème. Pour certains, la dépendance se traduit par des troubles comme l'anorexie et la boulimie, alors que pour d'autres, l'obsession les amène à grignoter continuellement ou à ne penser qu'à leur poids.
Tout au long de la rencontre, les termes «maladie», «obsession» et «compulsion» sont répétés, comme si nommer le mal était une première étape vers la guérison. La nourriture est, quant à elle, décrite comme «puissante», «déroutante» et «sournoise», à l'image d'un ennemi potentiel, duquel il faut se méfier.
Les Fêtes, période critique
La période des Fêtes fait d'ailleurs craindre le pire à plusieurs outremangeurs. Une période où l'ennemi semble redoubler de force et où la tentation pour la nourriture est multipliée. «Mes petits-enfants vont venir me visiter et j'aimerais leur faire plaisir en allant chercher les aliments qu'ils aiment. Mais je sais que si j'en achète, je vais en manger compulsivement. Je ressens de la colère contre moi, car je voudrais tant leur faire plaisir», raconte une grand-mère.
Si pendant l'année, les outremangeurs peuvent fuir leurs «aliments déclencheurs», il en est tout autre pendant les Fêtes. Chips, chocolat et généreuses portions sont synonymes de cette période de l'année. Malgré ses questionnements, la dame a décidé de vivre ce Noël d'abord pour elle.
«Pour la première fois de ma vie, je vais penser à moi et je ne vais pas aller acheter ces aliments déclencheurs», confie-t-elle fièrement.
Solutions
Certains outremangeurs assistent aux réunions depuis plus d'une décennie. Même s'ils disent avoir vaincu leur dépendance, les rencontres constituent un rempart supplémentaire entre eux et leur trouble. Une des organisatrices de la soirée se rappelle néanmoins un passé, pas si lointain, marqué par la souffrance.
«J'avais perdu le contrôle. La nourriture était au centre de ma vie. La famille et le travail étaient coordonnés autour de mon besoin de manger. J'envoyais même mon mari pelleter dehors plusieurs fois par jour pour que je puisse manger», raconte la femme, en certifiant que sans les Outremangeurs Anonymes, elle serait morte aujourd'hui.
L'ensemble de la littérature et des préceptes des Outremangeurs Anonymes s'appuient sur la tradition des Alcooliques Anonymes. Au coeur des deux mouvement, on note la présence d'une force supérieure à laquelle les membres doivent se remettre.
«Nous en sommes venus à croire qu'une puissance supérieure à nous-mêmes pouvait nous rendre la raison. (...) Nous avons décidé de confier notre volonté et notre vie aux soins de Dieu tel que nous le concevions», sont deux des douze étapes du «rétablissement» énoncées par le groupe. Même si le discours des Outremangeurs Anonymes est marqué par des références répétées à un dieu, le mouvement se dit non religieux.
«Cette spiritualité n'est pas une religion ni une secte, certifie l'une des organisatrices. On pense cependant qu'il y a quelque chose de plus grand que nous qui peut venir nous aider à lutter contre notre dépendance.»
Marqués par un passé trouble, plusieurs outremangeurs craignent de vivre toute leur vie une relation malsaine avec la nourriture. Plutôt que de craindre l'avenir, le mouvement favorise de vivre le moment présent.
«Le défi est de vivre un jour, une heure ou 30 secondes à la fois, s'il le faut. Quand on est dans le moment présent, c'est le meilleur, car vous avez du contrôle sur ce qui se passe», lance une des femmes présentes.
Le groupe des Outremangeurs Anonymes est là pour les motiver et leur apporter certains outils pour vaincre leur dépendance. Ligne d'aide, parrainage, réunions, appel d'encouragements, sont entre autres au nombre des solutions disponibles.
Les Outremangeurs Anonymes de Granby se rencontrent tous les mercredis à 19h30 au centre communautaire St-Benoit (170 St-Antoine Nord). Les rencontres se poursuivent pendant la période des Fêtes et sont toujours gratuites.