Des élus craignent la catastrophe

"Une catastrophe nous coûterait tellement cher. C'est toute la région qui serait affectée", s'inquiète le député fédéral de Brome-Missisquoi, Christian Ouellet.

La pression s'accentue sur la ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Line Beauchamp. Une coalition de maires et de députés de la Montérégie l'enjoint de mandater le Bureau d'audiences publiques en environnement (BAPE) pour étudier le projet de la station de pompage que la compagnie Montréal Pipe-Lines veut construire à Dunham.


Réunis hier matin à l'invitation du député fédéral de Brome-Missisquoi, Christian Ouellet, une quinzaine de maires et de députés ont signé une demande en ce sens à l'intention de la ministre Beauchamp. Tous s'inquiètent des risques pour l'environnement si jamais un accident survenait. «Une catastrophe nous coûterait tellement cher. C'est toute la région qui serait affectée», a indiqué M. Ouellet.

 



Le député a rappelé que l'oléoduc de Montréal Pipe-Lines traverse d'immenses terres agricoles et qu'une fuite risquerait de contaminer de façon permanente des nappes phréatiques. Cela aurait des conséquences graves sur les municipalités et les agriculteurs qui y puisent leur eau potable, soutient M. Ouellet.

Montréal Pipe-Lines veut construire une station de pompage à Dunham pour renverser le sens dans lequel circule le mazout dans son oléoduc. Pour l'heure, le pétrole part de Portland au Maine et coule vers les raffineries situées dans l'Est de Montréal. L'entreprise aimerait, d'ici quelques années, acheminer du pétrole de Montréal vers Portland. Ce projet fait partie d'un plus gros ensemble, soit le projet Trailbreaker. Il vise à transporter du mazout extirpé des sables bitumineux de l'Alberta vers le port de Portland, en transitant par Montréal.

Des audiences publiques, soutiennent les membres de la coalition, donneraient l'occasion de faire entendre des spécialistes. Ceux-ci pourraient donner leur opinion sur la sécurité des installations de Montréal Pipe-Lines, mises en service en 1941, n'a pas manqué de souligner M. Ouellet. Des experts pourraient par ailleurs calculer les risques d'un tel projet pour l'agriculture et les nappes phréatiques.

Son collègue du Bloc Québécois, Yves Lessard, député de Chambly-Borduas, une circonscription où passe également l'oléoduc de Montréal Pipe-Lines, a peine à comprendre que le BAPE n'ait pas encore été appelé à intervenir. Il a donné en exemple le projet d'oléoduc entre Québec et Montréal de la compagnie Ultramar. Le projet a été débattu devant le BAPE pendant près de deux ans. «Et là, on parle d'un gazoduc neuf», insiste-t-il. Lorsqu'un projet impliquant des installations vieilles de 68 ans est en cause, nul doute que la BAPE serait d'une grande utilité, croit-il. «Ça devrait être automatique», a-t-il dit.



Le maire de Dunham a eu des mots durs à l'endroit de Montréal Pipe-Lines. Jean-Guy Demers a accusé la compagnie de présenter son projet par morceau, histoire d'endormir les populations concernées. «On ne nous donne pas toutes les informations. Il nous manque beaucoup d'éléments», déplore-t-il. «Ils trompent la population», a lancé M. Demers.

«Ce qu'on veut, c'est l'ensemble des morceaux du casse-tête», a de son côté illustré Marie Bouillé. La députée d'Iberville a abordé la question avec la ministre Beauchamp. Elle n'a pas réussi à la convaincre de faire appel au BAPE. «Elle est embêtée par la question», a dit Mme Bouillé.

Beauchamp attentive

La ministre Beauchamp a pris bonne note de la demande, assure son attaché de presse, Dave Leclerc. «La ministre a une oreille attentive. Elle est consciente que ça (le projet) peut amener une certaine inquiétude», a-t-il dit lorsque joint hier après-midi.

M. Leclerc a indiqué que la ministre analysera la demande de recourir au BAPE. Il n'a pas dit quand elle prendra une décision.

De son côté, le député provincial de Brome-Missisquoi, Pierre Paradis, se range du côté des maires et des députés. Mais s'il se dit favorable à ce que le projet fasse l'objet d'une sérieuse analyse, il ne croit toutefois pas que le BAPE est le meilleur organisme pour le faire. La coalition frappe à la mauvaise porte, croit-il. Il suggère de faire appel au Bureau fédéral d'évaluation environnementale.



M. Paradis souligne que le projet a une portée qui dépasse les limites territoriales du Québec. «C'est un projet de nature fédéral avec des incidences provinciales», a-t-il dit hier après-midi. «Il existe des ententes entre le fédéral et les provinces dans des cas comme ça. Chaque partie peut nommer des représentants, mais c'est au fédéral à organiser tout ça.»

Le représentant de Brome- Missiquoi à Québec suggère que Montréal Pipe-Lines produise un rapport scientifique sur l'état de son oléoduc. «Il faut que la compagnie vérifie ses tuyaux. Moi, c'est ça qui m'intéresse de savoir pour le moment». À partir de ces informations, estime-t-il, le débat pourra se faire.

Communication et opposition

Les membres de la coalition ont l'intention de communiquer avec les dirigeants des communautés où l'oléoduc passe au Vermont. Il est aussi question de contacter les opposants du projet Trailbreaker en Ontario.

Cette sortie en force des maires et des députés de la région survient alors que les 20 maires de la MRC de Brome-Missisquoi ont adopté mardi une résolution demandant la venue du BAPE,

Les dirigeants de Montréal Pipe-Lines expliqueront à nouveau leur projet aux élus de Dunham. Une rencontre est prévue le 13 janvier prochain avec le directeur des opérations de Montréal Pipe-Lines, Guy Robitaille.

«On a plusieurs questions pour lui», a assuré le maire Demers.