Si le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale Sam Hamad croyait faire un cadeau aux travailleuses et travailleurs québécois, les employeurs, eux, la trouvent moins drôle.
Comme le rappelle la directrice générale de la chambre de commerce Haute-Yamaska et Région, Céline Gagnon, ce sont essentiellement les commerçants de détail de même que les restaurateurs qui en subiront les contrecoups, eux qui sont les principaux entrepreneurs à employer de la main-d'oeuvre au salaire minimum.
De fait, les administrateurs de restaurants et d'épiceries joints hier ont d'ores et déjà affirmé qu'ils devraient ajuster leur budget en conséquence au cours des prochains mois.
«On n'a pas le choix, on va vivre avec», a résumé Joannie Haché, gérante de la rôtisserie Saint-Hubert, à Granby, qui prévoit que quelques plats coûteront désormais plus cher afin d'absorber ces nouvelles dépenses.
«Ça n'aidera probablement pas à la reprise de ces secteurs», a quant à elle soulevé Céline Gagnon.
Mauvais timing
Professeur d'économie au cégep de Granby-Haute-Yamaska, Manuel Monte abonde dans le même sens.
Qualifiant de «mauvais timing» le moment choisi par les libéraux pour remplir une promesse électorale formulée par le passé, M. Monte va même jusqu'à parler d'un «irritant dans la situation économique actuelle».
«On aurait pu attendre après un paquet de choses, ne serait-ce qu'après la négociation du front commun dans le secteur public, dit-il. Et il ne faut pas oublier qu'il y aura un effet domino chez les employés qui gagnent déjà entre 9,50 $ et 10,50 $ environ et qui vont vouloir, eux aussi, avoir une augmentation.»
«Pour une personne, 20 $ bruts ou 15 $ nets de plus par semaine, ce n'est pas énorme, poursuit-il. Mais pour une entreprise qui doit payer 150 employés, ça commence à faire beaucoup.»
La plupart des salariés croisés hier ont d'ailleurs confié ne pas s'attendre à un grand impact sur leurs finances personnelles, plusieurs d'entre eux ne travaillant qu'à temps partiel.
Ces quelques dollars supplémentaires par semaine risquent donc de pas influer beaucoup sur leur portefeuille.
«Mais à long terme, c'est certain que ça paraît plus», a néanmoins noté Khris, employé d'un dépanneur à Granby.
Loin du compte
Selon le ministre Hamad, 323 000 personnes, pour la plupart des femmes, profiteront de cette bonification.
Cette annonce n'a donc pas que du mauvais, concède Catherine Lusson, du Groupe action solidarité pauvreté (GASP). Celle-ci y voit un coup de pouce aux travailleurs qui, même avec un emploi à temps plein, n'arrivent pas à joindre les deux bouts. Elle ajoute également que la hausse de près du tiers du salaire minimum depuis 2003 (il était alors de 7,30 $) constitue d'abord et avant tout une «mise à niveau».
Or, rappelle-t-elle, il y a toujours loin de la coupe aux lèvres, considérant que le seuil de pauvreté pour une personne seule a été établi à 22 000 $ par Revenu Canada en 2009, soit un taux horaire de 10,66 $.
«Notre objectif demeure que le salaire minimum d'un travailleur à temps plein lui permette de sortir de la pauvreté, ce qui n'est toujours pas le cas», indique-t-elle.
Manuel Monte va encore plus loin.
«Juste comme ça, le 1er mai, des gens vont apprendre qu'avec 20 $ de plus par semaine, ils ne sont plus pauvres? C'est une vraie farce, ironise-t-il. Ça peut sembler un beau cadeau avant les Fêtes, mais dans les faits, ce n'est pas grand-chose.»