Les mots de Jacques Demers ont résonné comme une tonne de briques dans le Grand salon du Château Bromont, où quelques centaines de membres des Toastmasters étaient réunis, ce week-end, à l'occasion de la 103e conférence du district 61 du regroupement.
«À 16 ans, j'étais dans la rue. Je n'avais aucune confiance en moi. Je restais dehors pour ne pas retourner chez nous, pour ne pas voir mon père. J'aurais pu choisir de devenir un bum, mais je ne l'ai pas fait», a raconté le coach, ému, devant cette foule subjuguée.
«Je suis parti de rien. J'étais pauvre, je n'avais aucune éducation et pourtant, je suis devenu entraîneur dans la Ligue nationale de hockey.»
L'histoire du dernier entraîneur du Canadien à avoir pu soulever la coupe Stanley est connue depuis quelques années déjà. Dans sa biographie intitulée En toutes lettres, le coach avait révélé qu'il était analphabète fonctionnel et que sa mère et lui avaient été victimes de violence physique et psychologique de la part de son père alcoolique.
Avec cet ouvrage, Jacques Demers voulait se libérer d'un lourd secret. Mais il voulait surtout faire comprendre aux gens que, malgré toutes leurs limitations, ils pouvaient accomplir de grandes choses.
Comme eux
La conférence qu'il a prononcée samedi reprenait le même esprit. En livrant son témoignage aux Toastmasters, ce regroupement de gens souhaitant améliorer leurs aptitudes à prendre la parole en public, Jacques Demers a dit s'adresser à des hommes et des femmes qui lui ressemblent.
«I fit in you guys, a-t-il simplement mentionné. Je fais partie de ces gens à qui les autres ont répété: tu ne seras jamais capable de faire ça. On a ri de moi, on m'a jugé, mais je n'ai jamais lâché mon rêve et j'y suis arrivé.»
Encore récemment, lorsqu'il a été nommé sénateur par le premier ministre Stephen Harper, Jacques Demers a dû faire face aux railleries de certaines personnes.
Mais une fois de plus, il a refusé de se laisser abattre par ses détracteurs.
«Chaque jour, je me lève avec l'envie de prouver aux autres que je peux accomplir tout ce qu'ils me croient incapable de faire, a-t-il scandé. Être nommé sénateur, c'est tout un honneur. On n'applique pas pour devenir sénateur, on n'est pas élu sénateur, on est choisi. Quand je me rends au Sénat, j'y vais pour me battre au nom des femmes et des enfants qui sont victimes de violence, pas pour faire de la politique.»
«Tout le monde vit des moments difficiles, a-t-il ajouté. Mais il faut passer à travers, ne jamais blâmer les autres et prendre ses responsabilités. C'est ma mère qui m'a inspiré. Elle ne pesait pas plus de 105 livres, mais c'était une tough.»
Coeur et passion
Même si ses qualités d'orateur font parfois défaut, sa parole suivant difficilement la fougue de sa pensée, Jacques Demers a su prouver aux Toastmasters que l'essentiel n'était pas de s'exprimer avec talent, mais avec coeur et passion.
Les Toastmasters lui ont d'ailleurs remis un prix pour souligner ses accomplissements. M. Demers a promis qu'il afficherait sa plaque dans son bureau au Sénat, juste à côté de la photo où on le voit soulever la coupe Stanley.
«Si j'avais écouté les autres, je n'aurais même pas pu être ici, devant vous, aujourd'hui, a-t-il dit, visiblement touché par cet honneur. Ce prix veut dire beaucoup pour moi. Comme vous, quand je repartirai d'ici, je serai une meilleure personne que lorsque je suis arrivé.»