Des militants amèrement déçus

L'accession de Gérard Deltell à la tête du parti ne serait qu'une solution temporaire, croit Serge Nadeau.

Avec les récents déboires que leur parti a connus, il serait facile de croire que les militants adéquistes auraient tous abandonné le navire. Ce n'est toutefois pas le cas. Si la plupart ne croient plus que le parti fondé par Jean Allaire et Mario Dumont puisse survivre dans sa forme actuelle, tous s'entendent pour dire qu'il y a toujours une place pour un parti de centre-droit à l'Assemblée nationale.


«C'est évident que ma ferveur adéquiste n'est plus ce qu'elle était, admet Nancy Roy, militante adéquiste de la première heure, excandidate et ex-présidente de l'exécutif local du parti dans Shefford. Avec tout ce qui se passe, c'est plus difficile de militer.»

 



Mme Roy ne le cache pas. Elle est amèrement déçue du départ précipité de Gilles Taillon qui, en affirmant que des irrégularités s'étaient glissées dans le financement du parti, porte un coup de Jarnac à son parti.

«Avec le recul, je dois dire que je suis déçue de la performance de M. Taillon à la tête de l'ADQ. En plus de quitter, il brûle la baraque en partant. Ça, ce n'est pas avoir l'étoffe d'un chef, dit-elle. Habituellement, le capitaine doit rester à bord de son bateau jusqu'à ce qu'il ait fini de sombrer. À ce que je vois, M. Taillon a été emporté par la première vague.»

Serge Nadeau, ex-candidat adéquiste lui aussi, ose même aller un peu plus loin.

«Ce que Taillon a fait manque totalement de classe, clame-t-il, avouant être lui aussi ébranlé par ce qui se passe à l'ADQ. Il aurait été si simple d'offrir le poste de chef de l'aile parlementaire à Éric Caire. La moitié des militants avaient voté pour lui. Il a commis une erreur monumentale. Tant que Gilles Taillon sera dans le portrait, ma ferveur adéquiste ne sera plus la même.»



Survie compromise

Le seul moyen d'assurer la survie de l'ADQ à court terme, c'est que l'exécutif national nomme un chef intérimaire à même les quatre députés adéquistes encore à l'Assemblée nationale, croit Mme Roy.

«Ça prend une direction claire à l'ADQ, affirme-t-elle. C'est ce qui manque en ce moment. Les idées sont toujours là, il ne manque que le chef pour les faire valoir.»

Elle ne voit pas d'un mauvais oeil le possible couronnement de Gérard Deltell, mais est loin de croire qu'il fera un miracle.

«Les Messies n'existent pas en politique, fait remarquer Nancy Roy. Je n'ai aucun doute sur les habiletés de M. Deltell, surtout en ce qui concerne les relations avec les médias. Je ne crois toutefois pas qu'il ait la colonne pour être chef. Il ne semble pas être en mesure de trancher et d'affirmer ses convictions. C'est du moins ce qu'il a laissé paraître en admettant ces derniers jours qu'il écouterait toutes les propositions qu'on lui ferait.»

L'accession de Gérard Deltell à la tête du parti ne serait qu'une solution temporaire, croit pour sa part Serge Nadeau.



«Ça va prendre quelqu'un d'envergure pour rétablir le parti, pense-t-il. Gérard Deltell pourrait peut-être faire le travail à court ou moyen terme. Mais tant que la barque du parti prendra l'eau de partout, ce sera difficile d'attirer quelqu'un de l'extérieur pour en prendre la tête.»

Solide

Même si c'était risqué, Nancy Roy croit que François Bonnardel a bien fait de ne pas laisser tomber Gilles Taillon et de réaffirmer qu'il avait fait le bon choix de le suivre dans la course à la direction de l'ADQ.

«Ça prouve la force des convictions de M. Bonnardel, mentionne Nancy Roy. Il aurait été très mal avisé de sa part de tout de suite se dissocier de M. Taillon.»

Même si elle est consciente que son parti traverse une période difficile et que sa survie est compromise, elle continue de croire en l'importance d'offrir une alternative de centre-droit à la population québécoise.

«Il faut reconnaître ce que l'ADQ a fait pour la société québécoise, note-t-elle. Le parti a réussi à dépolariser le débat qui, depuis plus de tente ans, s'orientait seulement en fonction des allégeances fédéraliste et souverainiste. Nous avons ramené la classe moyenne au coeur du débat et proposé des idées qui ont été reprises par les autres partis. Je ne sais pas si ce parti portera encore le nom d'ADQ dans l'avenir, mais il y aura toujours un parti pour défendre ces valeurs.»

«Il ne faut pas avoir la prise du pouvoir pour seul objectif, ajoute Serge Nadeau. L'ADQ peut tout aussi bien servir la population en maintenant un nombre décent de députés à l'Assemblée nationale pour défendre les idées et les valeurs d'une certaine part de la population.»