«On ne comprend pas l'attitude de notre gouvernement, a lancé à la foule Réjean Bessette, président de la Fédération de l'UPA de Saint-Hyacinthe. On leur demande de respecter la mise en marché qu'on a mise en place et on ne le laissera pas bulldozer ça.»
La manifestation regroupant quelque 300 agriculteurs de la région a été organisée à la suite de l'annulation d'une rencontre entre l'Union des producteurs agricoles et le ministre de l'Agriculture, Claude Béchard, mardi.
Les agriculteurs dénoncent les nouvelles dispositions de l'ACI qui permettront l'ouverture du marché pancanadien. Cet accord sera en vigueur dès sa ratification, prévue le 15 octobre à Whitehorse, au Yukon.
Les nouvelles dispositions permettront aux provinces ou aux entreprises de contester toute réglementation perçue comme une entrave au commerce. En fait, les règles strictes d'étiquetage et les nombres élevées de composition des aliments du Québec risquent de faire l'objet d'une pluie de contestations, selon les producteurs.
«Ce n'est pas de l'argent qu'on demande. On veut qu'il maintienne nos mises en marché. On a mis des outils pour obtenir le vrai prix de nos produits et là, le gouvernement veut les détruire. Ça, on ne l'acceptera pas», assure Réjean Bessette.
Impacts
Les agriculteurs de toutes les productions, laitière, bovine, maraîchère et porcine, sont préoccupés. «On veut que les porcs élevés au Québec soient abattus en priorité au Québec. Avec l'ACI, on ne pourrait pas empêcher l'abattage des porcs de l'Ontario au Québec, indique Éric Fournier, un producteur de Brigham. Au Québec, on n'aura plus la priorité.»
Les producteurs laitiers craignent pour leur part que les règles de conformité dans la préparation du yogourt viennent leur couper l'herbe sous le pied. Par exemple, le yogourt produit au Québec a une quantité de protéines à respecter, ce qui n'est pas le cas des autres provinces.
L'impact? La production du yogourt par les autres provinces - moins de lait et plus de protéines - serait moins dispendieuse. Le prix au détail aussi le serait. «Le consommateur va choisir un produit au meilleur marché. En n'ayant pas de réglementation, nos tablettes seront remplies de produits de l'extérieur du Québec», craint Stéphane Mailloux, producteur laitier de Granby.
En épicerie, l'étiquetage des produits ne serait plus obligatoire. «Ça vient contrecarrer la campagne Mettez le Québec dans notre assiette, dit M. Bessette. Dans certains cas, les consommateurs seront bernés.»
La parité des salaires inquiète aussi. «Est-ce qu'on devra avoir la parité avec les autres provinces? Celles où il y a du pétrole, le salaire est plus élevé qu'au Québec. Si ça change et que ce sont des augmentations de 20 % du salaire minimum, qui va l'absorber?» se questionne Jean-Marie Rainville, président du syndicat des producteurs maraîchers.
Communications
Des représentants syndicaux ont rencontré Pierre Paradis, hier après-midi, pour l'informer de leurs inquiétudes. «J'ai toujours été conscient de l'importance de l'agriculture dans ma circonscription et dans l'ensemble du Québec», dit d'entrée de jeu le député de Brome-Missisquoi.
«Mais nous avons besoin d'un marché plus vaste que celui du Québec, enchaîne-t-il. L'objectif est d'y parvenir en préservant nos marchés et nos particularités.»
Pierre Paradis, qui est également président de la Commission de l'agriculture, de l'énergie et des ressources naturelles, fait savoir que si la communication était rompue jusqu'à jeudi, celle-ci est rétablie depuis hier alors que le ministre Béchard a rencontré l'UPA de sa circonscription, Kamouraska.
«Tout ce que je souhaite c'est qu'on arrive à des résultats qui conviennent à tous et que l'autoroute 20 (en 1998 des cochons avaient bloqué la route) demeure ouverte», a indiqué le député, en estimant que le dossier n'est pas terminé.
Les agriculteurs feront entendre de nouveau leur mécontentement, mercredi, devant le bureau du premier ministre du Québec Jean Charest, à Montréal. Cette fois, des milliers d'agriculteurs sont attendus.