«Ça va être pas mal bon pour nous autres»

66 % des gens qui laissent des biens au Panne-Choppe ont des problèmes de consommation de drogues, d'alcool ou de jeu, estime le propriétaire de la boutique. Mais beaucoup de gens y viennent pour avoir les moyens de faire face aux imprévus.

Les nouvelles économiques désastreuses tombent par dizaines ces temps-ci et laissent présager le pire pour les prochains mois. Mais à chaque annonce de licenciement massif, à chaque fermeture d'usine, certains commerçants voient leur bassin de clients potentiels augmenter. Perspectives en hausse pour les prêteurs sur gages.


«Ça va être pas mal bon pour nous autres, affirme Gilles D'Arcy, propriétaire de Cash Express sur la rue Principale à Granby. C'est comme ça à chaque fois que l'économie va mal.»

 



S'il n'a pas encore remarqué d'augmentation flagrante du nombre de visiteurs dans sa boutique, il est convaincu que les prochains mois, voire les prochaines semaines, seront pas mal occupés avec la hausse du nombre de chômeurs.

«Ça s'en vient, dit-il. La dernière chose que les gens veulent changer quand ils perdent leur emploi, c'est leur mode de vie. Quand ils finissent par manquer de ressources, ils se débarrassent de leur deuxième télé, de leurs jeux vidéo. Plutôt que de mettre tout ça à vendre, ils viennent ici pour avoir l'argent tout de suite.»

Près de 80 % des gens qui laissent des biens en gage contre de l'argent reviennent les récupérer à temps, indique M. D'Arcy. L'impressionnant inventaire se trouvant dans le magasin de la rue Principale, composé surtout d'appareils électroniques, vient du 20 % restant et de gens qui ont carrément décidé de vendre leurs biens.

«On vend surtout de l'électronique, explique-t-il. On tient aussi des DVD et des outils de qualité. On peut faire de très bonnes affaires en venant acheter ici. Par exemple, plutôt que d'acheter un film DVD neuf à 30 $, j'en vends trois pour 10 $ ici.»



Problèmes de société

Le propriétaire du Panne-Choppe situé rue St-Jacques, quant à lui, sait très bien que lorsque quelqu'un entre dans sa boutique pour laisser un bien en gage, c'est parce que les choses ne vont pas très bien dans sa vie.

«Je dirais que 60 % de ma clientèle, ce sont des gens qui vivent des problèmes sociaux», raconte celui qui veut simplement se faire appeler Dany. «On parle ici de personnes qui consomment de la drogue, de l'alcool ou qui ont des problèmes de jeu. C'est pas mêlant, y'en a même qui seraient prêts à vendre leur mère pour cinq piasses.»

Sans vouloir s'avancer sur l'effet qu'aura la crise économique sur ses affaires, il reconnaît que, pour bien des gens, le prêt sur gages est une solution de dernier recours.

«Beaucoup de personnes ont honte de venir porter des choses ici. Ils ne veulent pas que les gens sachent qu'ils ont des problèmes d'argent. Moi je prétends qu'il ne faut pas avoir honte. Ici, c'est comme chez MasterCard, sauf que ça s'appelle Panne-Choppe. On te prête de l'argent et, si tu ne fais pas le cave et que tu reviens chercher tes affaires, tu n'auras pas de problèmes. Je ne prête jamais d'argent à quelqu'un qui n'est pas revenu chercher ce qu'il m'a déjà laissé en garantie.»

Mais quand les gens manquent de biens à mettre en garantie, il n'y a plus de recours possible.



«Il y a déjà eu une dame d'une quarantaine d'années qui est venue me voir. Elle disait ne pas trop savoir comment ça marchait le prêt sur gages. Je lui ai expliqué. Elle m'a ensuite dit qu'elle n'avait aucun bien à mettre en garantie. Elle m'a offert son corps, mais je lui dit que je ne faisais pas ce genre d'affaires-là.»

En revanche, les gens pauvres et dépendants ne sont pas les seuls à recourir aux services du prêteur sur gages. De plus en plus, la clientèle de Dany s'élargit.

«J'ai des personnes âgées qui viennent ici pour payer leurs médicaments. Ils mettent leurs biens en gage le temps d'avoir leurs remboursements. Il y a aussi des gens qui ont un travail, mais qui sont tellement serrés qu'ils n'ont pas le choix de venir m'emprunter de l'argent s'ils font face à un imprévu, raconte-t-il. C'est la même chose pour ceux qui perdent leur job. Ils mettent des biens en gage pour pouvoir passer à travers un autre mois, en attendant de se replacer ailleurs. Quand ils viennent me voir, c'est parce que ça leur prend l'argent tout de suite, ils n'ont plus de temps à perdre.»