«Du jour au lendemain, les inspections sont passées d'une à deux par année à une par mois, décrit-il. C'est exactement comme avoir une police qui vous suit sur l'autoroute. Même si on ne dépasse pas la vitesse permise, c'est stressant!»
M. Ouellet spécifie qu'il a la chance de faire affaire avec un inspecteur diligent. «Nos inspections se déroulent bien. Ce sont les ordres qui viennent d'en haut, c'est-à-dire du MAPAQ, qui ne sont pas clairs. Je ne suis pas contre les contrôles, mais mes confrères et moi demandons qu'il y ait un protocole plus défini pour l'inspection de nos produits au lait cru.»
Fromage au lait thermisé
La fromagerie des Cantons a donc mis au point un nouveau produit à base de lait thermisé. Il s'agit d'un intermédiaire entre le lait cru, qui n'est pas chauffé au-delà de 40°C pour conserver sa flore lactique, et le lait pasteurisé, utilisé pour fabriquer la majorité des fromages.
«J'aurais voulu produire exclusivement des fromages au lait cru dans l'entreprise, mais pour développer notre nouveau produit, nous avons choisi de ne pas prendre de chance.»
L'entreprise qui existe depuis 2005 n'a pas délaissé la fabrication de fromage au lait cru pour autant. Trois de ses fromages sur six en contiennent. Pour éliminer le lait cru de sa production, M. Ouellet devrait débourser une somme frisant les 200 000 $. «Nous n'avons pas les reins assez solides financièrement pour faire un tel investissement», fait-il valoir.
L'artisan subit donc un stress important chaque fois que l'inspecteur du MAPAQ analyse sa production. «Deux jours avant que les résultats arrivent, j'ai l'impression d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête, confie Hugues Ouellet. Je fais mon métier par passion et je dois dire que la passion en prend un coup. J'ai même des confrères qui se demandent si ça vaut la peine de continuer.»
Selon un article publié hier dans Le Soleil, le nombre de producteurs de fromage au lait cru dans la province se situe entre 15 et 20. Il y a un an, ils étaient une trentaine.
Davantage d'inspections pour le mieux
Du côté du MAPAQ, on se défend de mettre des bâtons dans les roues des producteurs de fromage au lait cru. Selon le programme du Ministère, les inspections auront lieu chaque mois pendant un an, jusqu'à ce que les fromagers aient un meilleur contrôle sur la qualité de leur produits.
Le porte-parole du MAPAQ, Clément Falardeau, concède que les contrôles plus fréquents ne font pas l'affaire de tous.
«Personne n'aime voir la police arriver chez eux, même s'ils n'ont rien à se reprocher. Néanmoins, nous devons nous assurer que les produits respectent certaines normes. Nous avons pour objectif d'aider l'industrie, mais également de protéger la santé publique. Je crois que ce qui est bon pour l'un est peut-être tout aussi bon pour l'autre.»
M. Falardeau souligne que les ventes de fromages québécois se portent bien, malgré la récente crise.
Le propriétaire de la fromagerie des Cantons fait le même constat. Après avoir vu chuter ses profits de 70% en septembre et octobre, au plus fort de la crise de la listériose, M. Ouellet indique que son entreprise a connu de bonnes ventes avant Noël, ce qui est de bon augure pour 2009.