Le Tricolore à Sutton

Dans les années 1940 et 1950, les joueurs du Canadien voyageaient en train. Et ils s'arrêtaient à la gare de Sutton où les douaniers contrôlaient l'identité des passagers. Par la fenêtre de leur chaumière, les enfants essayaient d'apercevoir, sur le quai, leurs idoles.


L'ex-candidat péquiste dans Brome-Missisquoi, Richard Leclerc, a sorti des boules à mites cette période. Membre du conseil d'administration du Musée des communications et d'histoire de Sutton depuis le printemps, M. Leclerc a décidé d'en faire une exposition.

 



«C'est le président du musée qui me racontait que les joueurs du Canadien passaient par Sutton pour se rendre à Boston, relève le publicitaire. Il me disait qu'il regardait par la fenêtre de la maison pour voir Maurice Richard.»

Richard Leclerc a saisi la balle au bond. «Une fois que les gens voient le musée, ils ne reviennent pas. Les expositions sont statiques, admet-il. Ça prend des expositions temporaires. Pendant trois mois, un coin sera réservé au Canadien.»

Voyage dans le temps

La salle d'exposition ressemble au sous-sol d'un amateur du Canadien de Montréal dans les années 1950. Des entrevues réalisées avec d'anciens joueurs de cette époque, encore vivants, seront diffusées sur un téléviseur en noir et blanc. Une quinzaine de photos puisées dans les archives du Canadien National et du Canadien Pacifique et provenant d'archives personnels de joueurs seront affichées. «Ce sont toutes des photos où l'on voit des joueurs à bord du train ou sur le quai à la gare de Sutton, explique l'instigateur de l'exposition. On en voit même une où Maurice Richard tire au poignet avec Bob Fillion.»



Bob Fillion, qui a joué avec le Canadien de 1942 à 1947, est le parrain de l'exposition. «Bob Fillion, ça été la bougie d'allumage, mentionne Richard Leclerc. Quand je l'ai rencontré, il m'a fourni les six premières photos de l'exposition.»

Vendredi, M. Leclerc se rendra au Musée ferroviaire de Saint-Constant pour y tourner des entrevues avec d'anciens joueurs. Le lieu de tournage sera le wagon Neville, réservé au Tricolore dans les années 1940 et 1950. «Le musée de Saint-Constant a conservé ce wagon», souligne-t-il.

Bob Fillion, 88 ans, Émile «Butch» Bouchard, 89 ans, Phil Goyette, 83 ans, et Elmer Lach, 89 ans, seront interviewés. «Elmer Lach était sur le même trio que Maurice Richard et Hector «Toe» Blake», rappelle le publicitaire.

Richard Leclerc veut que ces joueurs racontent des anecdotes de leurs voyages en train. «Je veux qu'ils me racontent des coups pendables, dans la mesure où ils sont racontables», lance en riant l'organisateur.

Vingt heures en train

Les heures passées à bord du train étaient longues. Le trajet Montréal-Sutton durait huit heures. Bien peu en comparaison des 20 heures que nécessitait le voyage Montréal-Chicago. «Les joueurs partaient de Montréal à 23h et ils arrivaient à 19h à Chicago juste à temps pour le match à 20h, relate M. Leclerc. On m'a même raconté que les joueurs devaient se changer dans le train pour gagner du temps.»



Richard Leclerc a aussi appris que les périodes de prolongation avaient été abolies pour ne pas retarder le départ des trains de passagers. «Dans les années 1935-1940, il y avait des prolongations, note-t-il. Elles ont été annulées dans les années de la guerre parce que les trains attendaient les joueurs pour partir, ce qui entraînait un retard.»

Dans les années 1940 et 1950, six équipes jouaient dans la Ligue nationale de hockey: Montréal, Boston, Chicago, Détroit, New York et Toronto. «Plus loin que Chicago, le Canadien ne serait jamais arrivé à temps pour les matches», rigole M. Leclerc.

L'exposition Le Canadien passe par Sutton débutera le 10 janvier. Le Musée de Sutton sera ouvert tous les week-ends de 13h à 18h jusqu'au 29 mars. Un 5 à 7, pour inaugurer officiellement l'exposition, aura lieu le 16 janvier. Tous les anciens joueurs interviewés par M. Leclerc, de même que Réjean Houle ainsi que Mathieu Dandenault, devraient y être.

«On se rappellera l'époque la plus glorieuse du Canadien. L'équipe a gagné la moitié de ses coupes Stanley dans les années couvertes par l'exposition», affirme Richard Leclerc qui doit son prénom à Maurice Richard. Son père aurait bien voulu que ce soit Maurice, mais sa mère a tranché pour Richard.

Aujourd'hui des avions sont nolisés pour mener à bon port les joueurs de hockey. Autrefois, pour un salaire famélique, les joueurs se tapaient des heures de train.