«Je suis devenue très en colère. Je lui ai dit: «Qu'est-ce que tu fais là avec ta carabine dans ma face sur mon terrain?» La steam me sortait par les oreilles. J'ai deux enfants préscolaires et on devait justement aller prendre une marche dans le bois une fois le travail fini. Des accidents, ça arrive!», raconte-t-elle.
Bien que malencontreuse et potentiellement dangereuse, ce genre de situation est relativement répandue.
«Souvent, les chasseurs se foutent des gens et empiètent sur les terres privées», indique Robert Riel, policier à Granby.
«On a des plaintes chaque année sur des chasseurs qui décident carrément de chasser sans autorisation», dit André Cayer, spécialiste en information réglementaire au ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec (MRNF). Depuis le début de la saison de la chasse au chevreuil, la Sûreté du Québec de la Haute-Yamaska a dit avoir reçu cinq appels au sujet de gens qui chassent sur des terrains privés sans l'assentiment des proprios.
Une arme chargée, mais pas de sanctions
Les chasseurs qui se promènent en zone de chasse avec une arme chargée sur un terrain privé, sans autorisation du propriétaire, s'en tirent actuellement sans sanctions, la SQ et le Ministère se renvoyant la balle sur ce point.
«J'ai le pouvoir d'expulser le chasseur à la demande du propriétaire, mais je ne peux émettre d'amende», a expliqué dans un premier temps, hier, le directeur de la SQ en Haute-Yamaska, Jocelyn Desrochers, qui déplore la situation. «Les gens s'en vont quand on le leur demande, mais ils peuvent partir et revenir.»
Mais le son de cloche est différent au Ministère. La SQ pourrait imposer des amendes en vertu de la Loi sur les abus préjudiciables à l'agriculture, estime André Cayer. Celle-ci interdit à toute autre personne de se trouver, sous peine d'amende de 5 $ à 100 $, sur un terrain sans la permission du propriétaire.
«Cette loi m'est complètement inconnue», a réagi le directeur de la SQ lorsque informé par La Voix de l'Est. En fin d'après-midi, il entendait soumettre la question à son contentieux.
Législation déficiente
Quoi qu'il en soit, cette loi ne sanctionnerait que le fait de se trouver sur une propriété privée, pas celui de porter une arme chargée à proximité d'une maison, chose que déplore le lieutenant Desrochers.
«Le règlement de la faune pourrait être modifié pour mieux protéger la population», dit-il. «Le règlement municipal interdit la possession d'une arme blanche comme un couteau dans un lieu public, mais permet à quelqu'un (détenteur des permis de possession d'arme) de prendre sa carabine chargée et de marcher sur la rue (de jour et dans une zone de chasse) pour aller chasser chez son voisin. C'est illogique, dit-il. Il y a des gens que ça peut faire paniquer la vue d'une arme à feu.»
Dans la MRC de la Haute-Yamaska, un règlement interdit toutefois aux chasseurs de tirer avec une arme à feu à moins de 100 mètres d'une résidence ou d'un bâtiment.
Même incohérence pour le transport en véhicule motorisé des armes à feu en zone de chasse, dit le lieutenant Desrochers.
«Il y a des failles dans la législation. C'est interdit de tirer en bordure de route, mais la loi permet au chasseur d'avoir sa carabine (non chargée) sur le banc du passager, et les munitions juste à côté de lui. Ça devient tentant pour un chasseur de tirer du chemin s'il voit un chevreuil.»
Incidents réguliers
Malgré tout, le ministère de la Faune affirme que les accidents entre chasseurs sont rares au Québec. Il s'en produit deux par tranche de 100 000 chasseurs chaque année depuis 10 ans. «Ce n'est jamais arrivé qu'il y ait un accident impliquant un chasseur et un non-chasseur au Québec», souligne toutefois M. Cayer.
Cependant, le vice-président de l'Association de la chasse et de la pêche de l'Estrie, Réal Bernard, déplore la nonchalance des chasseurs. «Des accidents, il en arrive, pas beaucoup, mais il y en a. Parfois, le propriétaire retrouve ses animaux en paturage morts sur le terrain. Le chasseur n'a pas été voir les proprios, il pense qu'il est seul, il entend du bruit et tire.»
«Ou bien il y a des jeunes de la ville qui viennent chasser, qui voient une cabane à sucre, qui entrent là-dedans et qui défont tout. Ça, ça se fait régulièrement. C'est des gens qui viennent de l'extérieur, des jeunes avec un peu de boisson. Pas les chasseurs de 15 ans d'expérience», relate le chasseur d'expérience.
La Montérégie et l'Estrie comptent parmi les régions où il y a le plus de chasseurs de chevreuils. Le Ministère y estime leur nombre à 25 000, environ. «À part l'île d'Anticosti, c'est l'endroit au Québec où il y a le plus de cerfs de Virginie», dit M. Cayer.
Règlements
En Haute-Yamaska, la chasse est permise jusqu'au 30 novembre.
La chasse est interdite la nuit et l'utilisation des pistes cyclables et des routes publiques n'est pas autorisée.