Je me rappelle l'excitation que j'ai vécue, le 9 novembre 1989, alors étudiant en science politique à Berlin, lorsque la ville déchirée s'est ouverte après 40 ans de division. Pour y croire, j'ai dû sortir dans les rues et marcher jusqu'au mur, à la porte de Brandebourg, et assister à la fête qui m'a emporté moi aussi. Une foule libérée, transportée par l'émotion, assaillait le mur de la honte en exultant toute la frustration de décennies de luttes idéologiques.
Ce matin, vers minuit et demi, quand Barack Obama est sorti de scène après son discours de la victoire, j'avais, comme des millions d'États-Uniens, les yeux humides, convaincu de vivre un moment historique comme j'en avais vécu un à Berlin il y a 19 ans. Entre ces deux événements, les belles années conservatrices et néo-libérales, des millions de personnes se sont appauvries, des guerres plus que douteuses ont été lancées, une frange infime de la population profitant de manière éhontée de la vague de déréglementation qui aurait dû amener plus de prospérité à tous.
Mais cette chimère n'a pas tenu. Elle vient de s'écrouler, les électeurs ayant porté un homme noir à la tête des États-Unis, alors qu'il y a à peine 40 ans, les Afro-Américains ne pouvaient partager l'espace public avec leurs concitoyens.
L'ancien organisateur communautaire élu hier est intelligent, empathique, ouvert au monde et aux différences. Il sait mobiliser et convaincre. Bien sûr, ce ne sera pas facile de transformer l'Amérique mais il est le mieux placé pour relever les défis diplomatiques, environnementaux et économiques qui sont ceux des États-Unis et du monde aujourd'hui. Car l'élection au sud de la frontière vient de porter un coup à tous ceux qui, ici aussi, sont des chantres de l'individualisme, du laisser-faire et de la déréglementation.
En ce jour de lancement d'une nouvelle campagne électorale au Québec, j'ose espérer que la campagne d'Obama servira de modèle à nos chefs politiques, pour la clarté du discours et l'absence de mesquinerie. Espérons aussi que l'élection de Barack Obama nous encouragera tous à nous ouvrir aux autres et à raviver notre mobilisation quotidienne pour bâtir notre Québec et notre monde avec coeur pour le bien-être du plus grand nombre. Barack Obama a poussé des millions d'États-Uniens cyniques ou résignés à relever la tête pour raviver l'espoir d'un avenir meilleur. Un autre mur vient de tomber, et le 4 novembre 2008 a ravivé mon espoir à moi aussi.
Jean-François Labelle
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